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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Je suis d’ailleurs plus content que vous du voyage<ref>Gaufridy a été préalablement dépêché auprès de l’abbé de Sade.</ref>, et il me paraît que vous avez beaucoup calmé et, ce qui est mieux, que vous avez décidé à faire garder ; ce qui était le plus grand coup……


Madame de Montreuil, émue de l’affaire des petites filles, écrit pour la première fois à Gaufridy et lui demande de reconduire lui-même les enfants à Lyon. « À Paris, le 11 février 1775 ».

Je m’adresse à vous, monsieur, sans vous connaître ni sans en être connue. Mère de la marquise de… ce titre vous suffit pour être convaincu de l’intérêt que je prends à une affaire où elle se trouve compromise, sur laquelle elle vient de me consulter, et qui, par imprudence ou négligence, peut devenir très grave. Vous avez sa confiance et vous la méritez, à ce que M. l’abbé m’a marqué en m’écrivant au sujet des créanciers : en voilà assez pour que je vous adresse des avis sur une affaire qu’il est important, et très important, d’arrêter sans délai. Ma fille m’a écrit pour me consulter sur ce qu’elle devait faire. Je lui ai répondu : « Rendre sans délai tout, mais avec précaution pour éviter de pouvoir être inquiétée ensuite. » Elle me marque les avoir prises en partie, ces précautions, et être munie de tous les certificats de bon état. Soit. Je n’aurais nulle inquiétude sur ce point si les personnes en question n’avaient été que seules avec elle et occupées à filer et à la servir. Mais, plus à portée, vous devez mieux savoir ce qui doit alarmer ou rassurer. Si cela était ainsi… rien à craindre, et point d’autre parti à prendre que de vous les remettre comme à la personne la plus sûre à qui elle puisse les confier (hormis leurs parents mêmes, qui les lui ont remises), pour les conduire à leurs parents, en retirer décharges bonnes, valables et suffisantes pour n’être jamais inquiété à ce sujet ; les leur remettre même en présence du procureur du roi à qui ces parents ont porté plainte comme d’enlèvement fait à leur insu ou par séduction, devant les curés même qui ont écrit à la dame pour les redemander. Faire donner par devant eux le désistement des poursuites commencées, vu qu’on leur a remis ce qu’ils demandaient et qu’on n’a jamais prétendu retenir malgré eux. On a écrit hier d’ici à M. le procureur de Lyon en conséquence, disant que la dame était très fort dans l’intention de ne point retenir malgré leurs parents ces enfants qu’elle avait pris par charité, mais qu’elle désirait seulement les leur rendre avec sûreté et pleine décharge pour elle. Voilà qui est bien dit, mais il faut agir. Partez de là. Menez-les vous-même. C’est une commission délicate, ne la confiez à personne qu’à vous, et une seule personne avec vous dont vous soyez sûr, pour garder ces enfants à portée et en lieu sûr, jusqu’à ce que vous soyez convenus de vos faits avec chacun des parents qui ont réclamé. C’est à vous, monsieur, à régler tout cela avec prudence, conformément aux connaissances que vous avez. J’étais on ne peut pas moins