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MARQUIS DE SADE — 1775
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honnêtement ou la convaincre de revenir au château. Nanon est conduite à Apt et elle y est gardée à vue jusqu’à l’arrivée de la lettre.

Cependant une nouvelle affaire vient rendre plus difficile encore la situation du seigneur qui a déjà songé à quitter la Coste. La mère du petit secrétaire s’est rendue à Aix et supplie messieurs du parlement de lui faire rendre son fils. M. de Sade pense que « l’on veut cet enfant de plus pour lui faire déclarer, sans doute, de nouvelles impostures », et la marquise part pour Aix avec le petit. Elle s’agite, intrigue, fait envoyer cent soixante livres à M. Mouret, officier de M. de Castillon, procureur général. Les lettres n’indiquent point comment a fini cette histoire.

Il n’est pas douteux toutefois que le marquis ait été quelque peu traqué. Mais il n’attend pas d’être débûché, prend la route de la montagne et passe l’Alpe en laissant des instructions pour qu’on lui fasse parvenir ses lettres par le canal de Gaufridy et d’un ami de celui-ci : l’avocat Reinaud d’Aix.

Le cinq juillet, ordre du roi est donné à Versailles de conduire Nanon à la maison de force d’Arles. La présidente, qui a elle-même proposé le choix de cette prison, espère que les lettres royaux « portent tout ce qui convient : humanité, secret et sûreté ». L’enfant dont Nanon a accouché est mise en nourrice chez une femme de la Coste qui est enceinte de quatre mois. La petite créature végète quelque temps et meurt de faim sans que sa mère en ait eu nouvelles. Entre temps et par compensation, madame Gaufridy, qui s’acquitte de ce devoir avec une régularité dont la nature seule ne permet pas d’accélérer le rythme, met au monde un petit bourgeois légitimement apparenté.

Le marquis a gagné Florence, « pays où l’hiver est mortel pour les étrangers ». Madame de Sade lui envoie de la toile de batiste pour vingt-quatre chemises et cherche à engager son argenterie au juif afin de lui faire passer mille écus. Madame de Montreuil, qui poursuit, avec une grande ténacité, la révision du procès, se défend d’être pour quelque chose dans les recherches auxquelles le marquis s’est soustrait et se plaint amèrement qu’on s’en prenne toujours à elle de ce qui arrive. Elle déplore que madame de Sade se compromette pour un homme qui l’entraînera dans l’abîme. Ses petits enfants sont chez elle, mais le père et la mère défont son ouvrage par leur conduite.

Tandis que la présidente et sa fille travaillent aux mêmes fins immédiates avec des desseins différents, les Montreuil et les Sade dispu-