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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


d’honnêtes gens. Un véritable honnête homme fait rendre le bien à celui auquel sa détestable négligence l’a fait perdre ; il ne craint pas comme un chie-en-culotte de faire sept lieues pour faire rendre le bien à celui auquel il l’a fait perdre. Voilà les vraies vertus, je n’en connais point d’autres ; ce sont des actions qui me font croire à la probité d’un homme et non pas des formalités dégoûtantes et de pieuses jongleries[1]…… Vous n’avez rien à craindre. Dites mieux, c’est votre femme qui ne veut pas que vous alliez à Aix, et vous ne rougissez pas à votre âge d’être mené comme un petit garçon par une telle femme ! C’est donc bien gigantesque à moi de dire que M. Archias pourrait me donner une lettre de crédit ? Ne l’a-t-il pas déjà fait ? Et quand, dans l’affreuse position où je suis, il me prêterait cinquante louis, ne m’a-t-il pas escroqué mon bien à assez bon marché pour risquer ce petit sacrifice ? Mais tous vos parents ressemblent à votre femme. Égoïstes purs, voilà tout ce qu’ils sont, et vous un poltron, un homme sans énergie et à qui la paresse et la lâcheté donnent, en dépit de la vérité, j’en conviens, toute la physionomie du crime. En un mot, tout se borne à présent à faire lever le séquestre à Arles ; je vous somme d’y aller, je vous en conjure, et si, d’ici à un mois, je n’ai pas d’argent, vous pouvez compter de me voir arriver chez vous avec deux pistolets : l’un pour vous, l’autre pour moi.


Le marquis fait un nouvel éloge de Quesnet à François Gaufridy ; son fils est un gredin, tandis que celui de son amie promet d’avoir toutes les vertus de sa mère.

……Mandez-moi aussi ce que c’est que des confitures que votre père a envoyées à mon fils. J’espère que ce n’est pas à mes dépens, et je n’aime pas que votre père fasse les affaires de ce monsieur-là qui continue à se conduire d’une manière effroyable envers moi……

4 thermidor, an VII.

Madame Quesnet est en campagne ; je suis seul au logis, elle fait ce qu’elle peut pour gagner et me soutenir. Je vous assure que cette charmante femme est bien respectable. Son fils est élevé à Versailles parce que l’éducation y est excellente et à beaucoup meilleur marché. Ses amis l’aident, ne le pouvant plus, moi, que par des vœux. Elle voulait, cette femme sensible, elle voulait absolument vendre sa pauvre maison pour moi ; je m’y suis opposé. « Nous mangerons du pain et nous boirons de l’eau, lui ai-je dit, tant qu’il plaira à M. Gaufridy, mais vous ne vendrez pas le seul et médiocre effet que vous possédiez sur terre, je ne le souffrirai jamais. » Quand je verrai elle et son fils, ils vous remercieront sans doute de votre bon souvenir ; ils méritent tous deux l’estime générale……

  1. Une phrase a été effacée ici, mais pas par le marquis.