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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — AN VII.
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après cette alerte, un citoyen de Grenoble, qui prétend être aux droits de feu M. de Murs pour sa pension, attaque le marquis sur sa moralité et fait un bruit bien dangereux.

Il serait temps, en vérité, que M. de Sade vît la fin de ses misères. Il a fui Saint-Ouen depuis quatre mois et va frapper aux portes où il espère trouver un souper et un lit. Quesnet est à Paris. Il se cache un moment dans une de ses terres de Beauce, mais il a voulu vendre le château qui en dépendait, Paîra a fait opposition et le fermier, ne lui devant plus rien, a refusé de le nourrir plus longtemps. Il se réfugie alors à Versailles, dans un grenier de la rue Satory, où il vit de carottes et de fèves avec le fils de Quesnet, sous le nom de citoyen Charles. Ses yeux sont si malades qu’il a dû prendre son jeune compagnon pour secrétaire. Il est perdu si le séquestre d’Arles n’est pas levé. Mais un accident malencontreux oblige Gaufridy à garder momentanément le repos et le silence.

Pourtant, grâce aux bons soins du citoyen Bourges, d’Avignon, et à la mise en surveillance, le département de Vaucluse prend un arrêté à la date du seize pluviôse et ordonne la levée du séquestre, à charge par Aldonze François Donatien Sade de s’abstenir de vendre ses immeubles, de payer les frais de régie, de fournir caution pour la valeur de son mobilier et « de ne pas réclamer les fruits perçus jusqu’à la radiation définitive ». Ce n’est pas cette décision qui mettra de l’argent dans les poches du marquis, car les créanciers sont déjà en arrêt sur les revenus des terres du Comtat. Mais les conséquences peuvent en être fort heureuses. Tous les députés du Vaucluse, une partie de ceux des Bouches-du-Rhône et l’ami Goupilleau appuient la radiation ; Barras a apostillé la demande et il ne reste plus qu’à obtenir les certificats de notoriété que les Bouches-du-Rhône se refusent à délivrer. En attendant, le citoyen Sade, qui est autorisé, par grâce, à résider hors du canton où il a sa surveillance, vit avec quarante sous par jour d’un petit emploi au spectacle de Versailles. Sur cette somme il nourrit le fils de Quesnet pendant que la mère court, à Paris, pour ses affaires, par des temps horribles. Pour comble d’infortune, son scélérat de fils a mis opposition à la vente des terres de Beauce, que ses créanciers avaient fait saisir, et empêché une entrevue que Quesnet avait obtenue de madame de Sade par l’intermédiaire de l’avocat Bonnières. Cette infamie a privé le marquis du secours que son amie allait arracher à sa femme. Pour trouver les six mille livres qui lui sont nécessaires,