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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Y a-t-il rien de si plaisant que la première phrase de votre lettre : « J’allais vous envoyer cent louis, mais vos lettres m’en empêchent ? » C’est-à-dire : « J’allais vous envoyer cent louis, mais vos lettres, qui ne rabâchent que de l’extrême besoin que vous en avez, font que je ne vous les enverrai pas. » Dites-moi, mon cher Charles, si c’est à Apt qu’on apprend cette logique-là ? Je l’eusse[1] prise pour celle des Ostrogoths ou des Vandales et suis, je vous avoue, bien étonné qu’un garçon, qui paraît aimable et bien élevé comme vous, ose employer un argument de cette barbarie. Envoyez vite vos cent louis si vous voulez que je vous le pardonne……


Le marquis annonce à l’avocat qu’il a vendu sa terre de la Coste au député Rovère. (25 fructidor, l’an IV).

Le malheur de ma situation est de ne pouvoir jamais réussir à vous persuader de ce que j’éprouve. Lorsqu’il y a six mois je vous écrivis pour vous presser de vendre le château de Mazan, parce qu’il était essentiel que je m’acquittasse de l’emprunt que je venais de faire pour l’acquisition d’un bien plus à ma convenance que le château de Mazan, vous longeâtes à votre ordinaire, vous ne fîtes que des démarches lentes ; mon objet ne se vendit point et mon créancier ne m’en mit pas moins l’épée dans les reins. Dans ces fatales circonstances, j’eus recours à vous et n’y trouvai pas plus de ressources. J’ai donc été forcé de vendre moi-même et j’ai vendu. Mais ce n’est pas le château de Mazan que j’ai vendu : l’objet est plus important. Je viens, mon cher Gaufridy, de terminer, avant-hier au soir, la vente de ma terre de la Coste et ce bien est aujourd’hui à M. de Rovère, représentant du peuple. Tout ce qui est dû ou à recueillir jusqu’au premier vendémiaire m’appartient ; tout ce qui vient après cette époque est à lui ; tous les débris et les grands tonneaux actuellement existant, ou à la Coste, ou à votre disposition dans Apt, lui appartiennent ; les autres me restent. Voilà pourquoi j’ai prié hier votre fils, dans une note, de vous prévenir de mettre sur le champ le calice et autres petits effets précieux, s’il en existe, en main tierce, pour me les envoyer tout de suite. Je vous recommande infiniment cet objet. Mettez cela aux diligences tout de suite……



  1. « L’eus », dans le texte.