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MARQUIS DE SADE — AN IV.
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Le marquis, sous la menace d’une nouvelle loi contre les parents d’émigrés, rappelle à Gaufridy le discours qu’il doit tenir à quiconque l’entreprendrait là-dessus. (27 floréal).

Au milieu de toutes les horreurs d’un traitement douloureux et pénible où me tiennent deux médecins pour ma santé, ayant à peine la permission de lire et d’écrire, j’obtiens pourtant d’eux de vous tracer ce petit mot.

Une nouvelle loi paraît contre les ascendants d’émigrés. J’ai à prendre quelques précautions contre cette loi parce que l’opinion publique, en Provence seulement, m’a, quelques instants, cru bien faussement du nombre. Je vous ai fait, en conséquence, passer il y a six mois le certificat de non émigration de l’aîné, voici maintenant celui du cadet. « Mais, vous objectera-t-on peut-être, il y a deux ans que le citoyen Sade ne se défendait point de l’émigration de ses enfants, mais seulement d’y avoir participé. » « Assurément, citoyens, répondrez-vous, rien n’est plus facile que de faire disparaître l’incohérence que vous trouvez entre ces deux éditions. Le citoyen Sade est depuis quinze ans séparé de sa femme et de ses enfants, sans aucune espèce de communication avec eux. Au sortir des différentes détentions où l’enchaînèrent si longtemps, tantôt le despotisme des rois, tantôt celui de Robespierre, le citoyen Sade demanda toujours des nouvelles de ses enfants sans que jamais sa famille daignât seulement lui répondre ; il y a de cela des preuves juridiques. Qu’est-il arrivé ? Il a dit les faits au comité de sûreté générale d’où son sort dépendait en ce temps et il a ajouté : « On me cache leur existence, mais, s’ils sont émigrés, vous voyez bien que ce n’est pas ma faute. » On en a été convaincu ; en conséquence, il a obtenu sa sortie, la levée des séquestres et a fait passer des certificats analogues dans les départements où il a du bien. Sur ces entrefaites, son beau-père, le grand meneur de toutes ces brouilleries de famille, vint à expirer ; le voile se déchire, le citoyen Sade sait le sort de ses enfants, il se convainc qu’ils n’ont jamais émigré et, sur l’avis d’une nouvelle loi à cet égard, il envoie les titres probants. Voilà, citoyens, terminez-vous, en déployant votre révérence, et vos doutes éclaircis, et la contradiction pulvérisée…… »

Mon traitement finit le vingt juin. Abstenez-vous jusque-là de longues lettres et surtout de rien qui puisse me donner de l’humeur, car, dans l’état où je suis, la moindre révolution me ferait crever……


Le marquis démontre à Charles Gaufridy que sa dernière lettre porte le triple caractère de l’impudeur, de la fausseté et de la méchanceté. (19 prairial).

J’avoue, monsieur, que c’est avec autant de douleur que d’embarras que je réponds à la lettre de neuf pages en date du huit prairial que vous venez de prendre la peine de m’écrire. Cette lettre porte à la fois des caractères d’impudeur, de fausseté et de méchanceté qui m’affligent dans un jeune