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MARQUIS DE SADE — AN IV.
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de tout genre. Croyez, mon cher neveu, que vous n’êtes pas le seul dans l’embarras. J’en ai aussi ; cependant je pense à tous mes proches. L’état de mes deux filles me tient fort à cœur. Je voudrais pouvoir vous rendre tous heureux ; n’en doutez pas plus que [de] tous les sentiments avec lesquels je vous embrasse tous. Sade-Villeneuve.


Le marquis, un peu déconfit par la réponse de sa tante, prétend faire valoir ses droits et fait un savant distinguo sur l’emploi de la nouvelle monnaie légale. (13 germinal).

……Vous désirez la réponse de madame de Villeneuve à votre modèle de lettre transcrit par moi mot à mot. La voilà. Je vous prie d’admirer comme cette épître est douce, honnête, peu égoïste, et surtout jésuitique. Je n’ai point répondu à cette charmante lettre, parce que je me serais mis en colère et que le respect m’a contenu. Pesez maintenant dans votre sagesse ce qu’il faut faire, mais agissez. Je ne veux point perdre cette argenterie, et je vous prie instamment de prendre tous les moyens qui pourront m’empêcher d’être la dupe de cette affaire. Si vous voulez que j’écrive une lettre, vous m’en enverrez le modèle, mais je crois tous ces moyens-là beaucoup trop doux. Il faut en employer de meilleurs……

Vous avez déjà sans doute entendu parler du nouveau papier monnayé connu sous le nom de mandat et qui va remplacer les assignats. Comme il est défendu de refuser et de mépriser cette nouvelle monnaie, je n’en dirai mot et me conformerai à la loi. Je la crois très avantageuse pour ceux à qui, comme à moi, l’on doit des pensions, car le débiteur ayant un louis à me payer ne me donnera plus un assignat de vingt-cinq francs, mais un mandat de vingt-quatre qui, d’après la loi, me vaudra tout autant que quatre gros écus. Ainsi, sous ce rapport, j’approuve infiniment le mandat, mais, sous celui des baux à passer ou des paiements de fermier à recevoir, je pense très différemment et vous supplie très instamment de continuer à exiger du numéraire de ceux qui vous en ont promis……


M. de Sade a mis au net ses idées touchant l’usage des mandats et instruit Charles Gaufridy de ses intentions envers ses enfants et sa femme. (30 germinal).

……J’ai la plus grande confiance aux mandats, mais les papiers m’embrouillent, et, n’ayant pas l’esprit de les connaître, je ne veux plus absolument recevoir de vous que du numéraire. Je vous prie, mon cher Charles, de vous bien pénétrer de cette grande vérité, parce que rien au monde ne m’en fera départir. J’ai les plus mauvais yeux du monde, je lis mal les chiffres et les mots des papiers, tout cela m’embrouille, me dérange, et, avec les écus, je ne cours aucun de ces risques……