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MARQUIS DE SADE — AN IV.
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gratification de mille livres qu’il touchera avec le dernier paiement. M. de Sade lui envoie, pour tromper son attente, un ouvrage de sa façon, en huit volumes, qui a paru pendant le cours de l’année précédente. L’avocat ne manquera pas d’en être satisfait.




Le marquis parle de la journée du treize vendémiaire. (15 vendémiaire).

……Un acharnement déplacé vient d’armer les sections de Paris contre la Convention. Préparé à cet événement, Paris était hérissé de troupes et d’artillerie. Le cinq octobre, à quatre [heures] du soir, la canonnade commença ; elle durait encore après minuit. Il y a beaucoup de dégâts dans les rues voisines de la Convention et dans lesquelles l’action s’est passée. On assure que le nombre des morts et des blessés est considérable ; il doit l’être. L’avantage est du côté de la Convention ; les sections sont désarmées et les troupes de ligne font le service de Paris. J’y ai peut-être fait une perte affreuse ; qui vous savez y était et je n’ai point de nouvelles de ce jeune homme[1]. Adieu, mon bon et cher ami.


Le marquis reproche à l’avocat de s’être moqué de lui en lui envoyant trente-six francs.

Je, soussigné, reconnais avoir reçu du citoyen Gaufridy la somme de trente-six francs numéraire, à compte sur celle de trois cent mille livres assignats qu’il me faut pour mon année.

Sade.
Paris, ce 6 brumaire.

Nous ne vivons plus, mon cher citoyen, dans un siècle où les mauvaises plaisanteries soient permises. Tout devient chaque jour trop sérieux pour se permettre des farces et je vous demande avec la plus vive instance de vouloir bien ne pas m’en faire. Vous sentez bien que je ne puis prendre autrement l’envoi ridicule que vous venez de me faire ; je vous jure qu’avec tout autre qu’avec vous j’eusse[2] renvoyé sur le champ les trente-six francs. En allant à la poste, je me doutais du fait, je me disais : « Voici encore

  1. Il s’agit vraisemblablement du fils aîné du marquis. M. de Sade parlera, dans une de ses lettres, des attaches de ce jeune homme avec Bonaparte, dont la journée du treize vendémiaire avança la fortune.
  2. « J’eus », dans le texte.