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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — AN IV.
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Madame de Villeneuve, que Quinquin a brouillée avec son neveu, n’a ni loué ni acheté Mazan, et il est maintenant question de vendre le château en se réservant le verger et les terres, ou de le démolir pour en détailler les moellons, la menuiserie et les ferrures. Le marquis veut tirer de là un million pour payer ses dettes ou acheter une maison à la campagne. Celle de la rue Miromesnil ne sera pas pour lui. Un notaire fripon lui a subtilisé la promesse de son vendeur et l’on plaide.

Les Ripert vont rentrer ; madame Ripert et ses filles sont sorties de prison ; mais le citoyen Sade se refuse à toute entente avec ces gens qui l’ont outrageusement volé. L’imbroglio de Mazan est le résultat des cabales qu’ils ont ourdies avec Quinquin et madame de Villeneuve. Celle-ci, invitée à rendre l’argenterie de l’abbé, déclare à son neveu qu’il n’y faut plus penser.

Gaufridy reste seul pour faire face à l’avalanche de lettres arrivant de Paris. Il en est si excédé que le marquis l’accuse, avec beaucoup de vraisemblance, de ne plus les lire. L’avocat associe alors son fils Charles à sa gestion et lui laisse le soin de répondre à M. de Sade. Mais c’est bien mal connaître le marquis que de prétendre détourner ainsi sa rage épistolaire : il écrit deux fois plus et en plus mauvais termes.

Depuis la baisse des assignats, M. de Sade ne souffre pas qu’on lui envoie ses mensualités en une autre monnaie que celle d’argent. Mais, à la moindre reprise du papier, et la spéculation en amène de fréquentes, il pousse des cris perçants parce qu’il n’a pas reçu ses écus au moment même où ils étaient le plus haut.

Gaufridy, à l’entendre, ménage les fermiers, qui se sont couverts d’opprobre en devenant riches, et, tout particulièrement, Audibert, de qui il a tiré, pour sa jouissance abusive des dernières années, la somme ridicule de vingt-cinq mille livres, qui fait à peine six louis. Le marquis en veut vingt-cinq et ne rabattra pas un sou.

L’avocat a commis beaucoup d’autres fautes ! Il a, malgré les ordres, acheté une partie des provisions qu’il a envoyées au marquis (le pot d’anchois n’y était pas) avec de l’argent pris sur les revenus et non sur la vente des débris de la Coste. Les revenus sont sacrés. M. de Sade aura des confitures, mais il n’aura pas de souliers. Or il désire avoir les deux car il ne connaît rien de si bon au monde que les confitures.

Gaufridy n’a pas été mieux inspiré en confiant au citoyen Maynet, bibliothécaire à Avignon, la clef du cabinet d’histoire naturelle et du médaillier de Saumane. Ce Maynet servait de fourrier au député Gou-