Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
CORRESPONDANCE INÉDITE DU


obtenez-moi une réponse de lui. Je puis maintenant le très bien servir au comité de sûreté générale ; qu’il me dise ce qu’il veut que je fasse et j’agirai……

Si j’apprends que Payan agisse à son ordinaire contre moi dans tout ceci, il peut être sûr d’être recommandé par moi au comité de sûreté générale, et j’aurai bientôt prouvé que tout ce qui porte cet infâme nom n’est fait que pour trahir la patrie.

Adieu, mon cher Audibert, soyez sûr que je serai toute ma vie votre ami et votre concitoyen. Sade.

Mon adresse est :

Au citoyen Sade, homme de lettres, rue Neuve-des-Mathurins, no 876, chaussée du Mont-Blanc.

Ce 22 brumaire de la troisième année républicaine.


Le marquis conte sa détention à Gaufridy et lui offre ses services. Il a appris la mort de Reinaud. (29 brumaire, an 3).

Je ne puis vous exprimer, mon cher citoyen, le plaisir que j’ai éprouvé en recevant votre lettre. J’étais précisément à dîner lorsque je l’ai reçue avec un Avignonais qui m’assurait, au moment même où l’on me la donnait, que vous étiez très éloigné d’Apt et que bien certainement, quelque peine que cela pût me faire, je n’entendrais pas parler de vous de longtemps. Vous sentez, votre lettre à la main, quelle a dû être l’énergie de ma réponse.

Enfin vous voilà rendu à vos dieux pénates et j’espère que ce sera pour n’en plus bouger. Nous pourrons, je crois, être tous bien sûrs que la tranquillité va renaître à jamais. La mort des scélérats a dissipé tous les nuages et le calme dont nous allons jouir va consolider toutes nos plaies.

Et moi aussi, mon cher citoyen, j’ai été incarcéré. On a osé commettre envers moi l’injustice de croire suspect à la nation celui que le régime ministériel avait mis neuf mois à Charenton comme suspect au roi. Cette inconséquence est déchirante pour une âme juste et sensible, mais enfin cela est fini et je n’y pense plus. Le comité d’instruction publique m’ayant autorisé de rester à Paris quoique noble, et cela à cause de mes ouvrages patriotiques, m’a dédommagé par cette faveur de tous les maux que les scélérats m’avaient fait souffrir. J’ai fait quatre prisons dans mes dix mois[1] ; dans la première, j’ai couché six semaines dans les commodités ; dans la deuxième, huit jours avec six personnes attaquées de fièvre maligne dont deux sont mortes auprès de moi ; dans la troisième, au milieu de la contre-révolution de Saint-Lazare, poison infect dont je ne me suis garanti que par une prudence incroyable ; ma quatrième enfin était un paradis terrestre ; belle maison, superbe jardin, société choisie, d’aimables femmes, lorsque,

  1. Les Madelonnettes, les Carmes, Saint-Lazare et Picpus.