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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Au fait il en a grand besoin, et les comptes de fermiers qu’arrête son régisseur ne l’enrichiront pas. Tout est mangé par avance et au delà. Audibert, de la Coste, est toujours créancier. Lions prétend qu’il a dû acquitter les impôts arriérés de 1791 et 1792, mais c’est un pur mensonge. Ce Lions est aussi gredin que son frère, lequel n’a point donné l’argent de la dernière récolte qu’il a faite et se refuse toujours à prendre à son compte la traite Boulouvard. M. de Sade reconnaît, il est vrai, dans une autre lettre, que Lions puîné se comporte assez bien. Mais ce n’est que l’opinion d’un instant : on est honnête quand on lui envoie de l’argent, suspect quand on le fait attendre et fripon dans tous les autres cas.

Un décret qui doit être présenté à la Convention et qui prescrit la mise sous séquestre des biens appartenant aux parents d’émigrés donne les trois sueurs au ci-devant marquis. Il prépare aussitôt une pétition à l’assemblée et offre de faire de nouveaux enfants pour remplacer ceux qui ont trahi la nation. Le projet, qui a été renvoyé au comité de législation, n’est heureusement pas près d’être voté. Mais le comité révolutionnaire d’Apt n’attend pas qu’il le soit pour mettre sous scellés les caisses de meubles que Paulet a fait porter chez l’avocat. M. de Sade se hâte d’envoyer à ses membres une autre pétition où il parle de ce qu’il a enduré sous le ci-devant tyran de la France et de son dévouement à la loi, tout en les suppliant d’attendre qu’elle soit en vigueur pour exiger de lui ce qu’il donnera alors sans se plaindre et, s’il le faut, avec son sang. Il joint à cette lettre le catalogue de son portefeuille civique où le district n’aura qu’à faire choix des pièces qu’il lui plaira demander. Il faut, de toutes façons, prévenir un séquestre qui le réduirait à l’aumône et dont la seule menace paralyse les ventes qu’il veut faire. Il envoie des exemplaires de sa première pétition à tous ses agents, mais leur demande de prendre bien garde de réveiller le chat qui dort, c’est-à-dire de faire songer qu’il figure lui-même comme émigré sur la liste des Bouches-du-Rhône. Lions se montre fort honnête ; Quinquin l’envoie « f… f… » et il y a un peu de louche dans les réponses de l’avocat.

On sent que quelque chose a diminué la confiance, ou éveillé la crainte, ou provoqué l’impertinence de ceux qui ont affaire au marquis. Gaufridy l’a prié de faire passer ses lettres par une main tierce et les municipaux de la Coste lui ont fait une injure sensible en s’abstenant de lire ses discours patriotiques, bien qu’ils aient été approuvés par la