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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Mon argent, mon argent, mon argent, ou d’homme d’honneur je pars pour aller me mettre en garnison chez vous ! Je vous embrasse, en attendant, de tout mon cœur. Il n’y a sorte de bien que M. d’Auctoville ne m’ait dit de M. votre fils ; j’ai bien envie de le connaître.


Le marquis est juré d’accusation et a reçu la visite de son beau-père. (13 avril).

……Je veux vous apprendre deux choses qui vont vous surprendre. Le président de Montreuil est venu me voir.

Et devinez l’autre !.. Je vous le donne en cent !.. Je suis juge, oui, juge !.. Juré d’accusation ! Qui vous eût dit cela il y a quinze ans, avocat, qui vous eût dit cela ? Vous voyez bien que ma tête se mûrit et que je commence à devenir sage… Mais félicitez-moi donc, et surtout ne manquez pas d’envoyer de l’argent à monsieur le juge ou, le diable m’emporte, sans cela, si je ne vous condamne à mort ! Répandez un peu cela dans le pays pour qu’enfin ils me connaissent pour bon patriote, car je vous jure en vérité que je le suis de cœur et d’âme.

Adieu, cher avocat, mon argent, je vous en conjure, et croyez-moi pour la vie votre meilleur et plus sincère ami.


Le marquis n’a ni sol ni crédit et va se brûler la cervelle si on ne lui envoie de l’argent. (5 mai).

Il me semble que quand on a une procuration entière et illimitée comme celle que vous avez, que quand, en vertu de cette procuration, on s’est engagé à envoyer exactement tous les quatre mois une somme de trois mille six cent soixante-dix francs et, de plus, une de deux mille francs pour retirer des effets en gages, il me semble, dis-je alors, que de venir consulter sur les moyens n’est plus qu’un prétexte de retardement. Mais comme, malheureusement, ces retardements me mettent le poignard dans le cœur, comme, privé de lettre de crédit, d’effets à engager et d’aucune ressource d’emprunt, il faut, lorsque vous me laissez manquer, que je meure exactement de faim, alors, dis-je, je ne puis ni vous pardonner ni légitimer en quoi que ce puisse être ces exécrables retardements, lesquels me mettent à la mendicité… Oui, j’y suis !.. J’y suis exactement ! Il y a quatre jours que je n’ai plus de domestiques chez moi, n’ayant plus rien pour les nourrir et que je ne subsiste qu’en allant dîner à droite et à gauche. Dans huit jours, trois billets vont me tomber sur le corps : quatre cents de mon bail et deux cents de billets particuliers, et mes meubles saisis si je ne paie pas. Il est exact, mon ami, oui, il est exact, qu’à la réception de votre lettre, reçue le cinquième jour où je suis sans ressource, et où vous me consultez froidement sur les moyens de m’envoyer de l’argent, oui, croyez-moi, je vous en donne ma parole d’honneur, il est exact que j’ai sauté sur mes pistolets et que sans un ami, je me brûlais la cervelle !.. Et vous me demandez, vous qui êtes