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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Allons, cher avocat, encore ce dernier effort, ou je pars, mais en vérité avec bien des regrets et bien des inquiétudes.

Je vous embrasse mille et mille fois, et du meilleur de mon cœur……


Le marquis veut qu’on lui envoie de l’argent et non pas qu’on lui parle de l’entretien de ses terres et du paiement de ses dettes.

Le jeune Lions, mon cher avocat, par un effort qui ne lui a pas valu de moi de grands éloges, vient de m’envoyer huit cent quatre-vingts francs en gros et en détail. Il avait reçu seize cents et tant du fermier, mais il avait payé cent francs de roubines, fossés, etc. J’avoue qu’il est difficile de se mettre dans une plus belle colère que celle où je me suis mise en recevant cette épître, et ma réponse s’en est ressentie. Eh ! que m’importe, lui ai-je dit, les créanciers d’Arles ! Me mettront-ils en prison ceux-là ? Et ceux de Paris, si je ne paie pas, n’obtiendront-ils pas la permission de m’y faire mettre tout de suite ? Et ignore-t-il, ce petit Lions dont vous m’avez pourtant dit tant de bien, que la prison ou la mort sont synonymes aujourd’hui ?… Vous irez, si Lions n’a pas payé, ouvrir tout doucettement la porte d’un certain coffre-fort qu’il me semble voir d’ici, vous ferez deux signes de croix, avocat, puis vous en tirerez la somme dite et tout en disant : « Ah ! mon dieu, qu’allai-je faire dans cette galère ! » vous les inclurez dans une lettre à cinq cachets et les ferez passer à l’adresse du citoyen Sade qui vous en remerciera de tout son cœur……

Si j’ai jamais fait une différence de vous à Ripert, assurément j’ai eu tort. On ne doit établir de différence que dans des choses analogues. Où l’existence de l’analogie est nulle, les rapprochements deviennent impossibles. Je n’ai donc jamais ni dû ni pu vous mettre en parallèle avec un imbécile comme Ripert……

Le roi a été, ce matin vingt-six, pour la seconde fois à la barre de la Convention. Je tâcherai de vous envoyer des détails. Ce 26.


Le marquis essaie de piquer l’avocat pour obtenir de lui qu’il envoie de l’argent ou réponde à ses lettres ; il a appris qu’on l’avait inscrit par erreur sur la liste d’émigrés des Bouches-du-Rhône. (Sans date).

……Vous savez, mon cher avocat, que je vous ai soupçonné toujours un peu d’une légère intelligence avec ces scélérats de Montreuil, mes plus mortels ennemis. Vous vous en êtes défendu, mais comment voulez-vous maintenant que je ne croie pas un peu à cette intelligence quand je vous vois tous marcher sur la même trace.

Les Montreuil avaient dit : « Il ne faut pas qu’il puisse retirer son argenterie, parce qu’alors, obligé de l’abandonner, elle nous reviendrait. » M. Gaufridy dit : « Il a besoin d’argent pour retirer son argenterie. Eh bien ! je ne lui en enverrai pas ! »