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MARQUIS DE SADE — 1792
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la défense de la patrie, et armé de cœur puisque je perdrais plutôt mille vies que de voir renaître en France le despotisme et la robinocratie, il ne convient pas à mes enfants de s’armer contre moi. S’ils ne sont pas, en un mot, sous quinze jours ici, je vous préviens, madame, que je les déshérite. Voilà une lettre pour eux que je vous prie de leur faire passer.

Paris, ce 18 août 1792. L’an 4 de la liberté.


Copie de la lettre à mes enfants relativement au même objet.

Mes enfants, vous savez que j’ai toujours blâmé le parti que vous avez pris et que c’est à l’instigation de la famille de votre mère que vous l’avez adopté. Il ne vous convenait pas d’embrasser une cause qui, si elle réussissait, n’aurait pour but que de rétablir en France des parlements qui ont voulu déshonorer votre père et des ministres qui l’ont fait enfermer. Je vous apprends d’ailleurs que je fais mon service dans ma section, que les circonstances peuvent nous placer en face l’un de l’autre et qu’il ne vous convient pas d’être armés contre votre père. Il y a plus : un décret de l’assemblée nationale rend les parents responsables de la conduite de leurs enfants et les place sous le glaive de la loi s’ils ne rentrent pas aussitôt. Je vous demande si vous devez rester plus longtemps dans une situation qui tient le fer levé sur le sein de ceux dont vous avez reçu la vie. Un dernier motif achèvera de vous déterminer. Vous servez un traître, un scélérat qui dans la journée du dix, à jamais célèbre dans l’histoire, a trahi à la fois, et le peuple sur lequel il a fait tirer, et les amis qui s’étaient rendus près de lui pour le défendre et auxquels il venait de jurer de mourir à leur tête. Il n’y a que des imbéciles qui puissent plus longtemps servir la cause d’un tel fourbe. En un mot, mes enfants, je vous ordonne de revenir à l’instant et vous menace de ma haine et de ma malédiction si vous tardez un seul jour à m’obéir.


Nous, soussignés, attestons que les trois lettres transcrites des autres parts et ci-dessus sont mot à mot conformes à celle que M. de Sade nous a lues et déclaré devoir envoyer au plus tôt aux personnes qui y sont désignées. Nous attestons aussi que les principes qui y sont exprimés sont ceux que nous lui avons toujours connus. En foi de quoi nous avons signé le présent pour servir et valoir ce que de raison. Paris, ce dix-huit août de l’an quatrième de la liberté et du premier de l’égalité.

Macarel,
employé à la confection des assignats,
rue de Cléry, au coin de celle de Montmartre, no 84.

Girouard[ws 1]
imprimeur-libraire, à Paris,
rue du Bout-du-Monde, no 47.
  1. Il s’agit de Jacques Girouard (1757?-1794), qui imprima l’Adresse d’un citoyen de Paris, au roi des Franc̜ais et dont la veuve imprima notamment Aline et Valcour, et probablement d’autres ouvrages de Sade (comme par exemple Justine, soi-disant imprimé en hollande, mais dont on reconnaît le style et les caractères de cet imprimeur).