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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


Le marquis écrit au président du Club de la Constitution à la Coste et cherche à sauver ses créneaux au prix d’une déclaration révolutionnaire.

Monsieur le président,

Si je ne venais pas d’écrire une grande lettre à MM. vos officiers municipaux, contenant l’expression des sentiments qui m’attachent, à tant de titres, à la révolution et à la constitution française, je me croirais obligé de vous les renouveler ici, d’après la conclusion qui vient, m’assure-t-on, d’être prise dans votre assemblée relativement à la démolition des créneaux de ma maison de la Coste. Mais, comme je ne veux pas vous ennuyer par les répétitions des phrases d’une lettre dont vous aurez eu sans doute connaissance, je me bornerai à vous prier simplement dans celle-ci de ne pas donner à la province l’exemple d’une contradiction qu’elle aurait trop de peine à comprendre ; car vous en conviendrez, monsieur le président, il paraîtrait assurément bien bizarre de voir, dans le faible écoulement de trois lustres, ma malheureuse maison de la Coste à la fois souillée par les indignes satellites du despotisme ministériel et dégradée par les ennemis de ces satellites, d’où il résulterait que, ne sachant plus quel parti prendre, ni quelle région habiter, l’homme qui doit avoir le plus de motifs pour haïr, pour détester l’ancien gouvernement se trouverait pourtant obligé de le regretter puisqu’il lui deviendrait impossible de trouver des défenseurs et des amis, même parmi ceux qui doivent partager ses sentiments. Croyez-vous, monsieur le président, que je ne serais pas plaint dans un tel cas ? Croyez-vous qu’on n’accuserait pas d’injustice ceux qui m’auraient ainsi traité ? Et croyez-vous qu’on ne me dégoûterait pas de l’enthousiasme avec lequel je prends, et dans mes discours, et dans mes écrits, le parti d’une révolution à laquelle, je crois devoir beaucoup plus qu’elle ne me fait perdre.

Si l’on enlève seulement une pierre de la maison que j’ai dans votre enceinte, je me présente à nos législateurs, je me présente à vos frères des jacobins de Paris, et je demande qu’il soit gravé sur elle : « Pierre de la maison de celui qui fit tomber celles de la Bastille et que les amis de la constitution arrachèrent du domicile de la plus infortunée des victimes de la tyrannie des rois. Passants, vous insérerez cet outrage dans l’histoire des inconséquences humaines ! »

Ah ! laissez mes vieilles masures, monsieur le président ! Voyez mon cœur, ouvrez mes écrits, lisez mes lettres imprimées et répandues dans tout Paris, lors du départ des dames de France et lors de la fuite du roi ; vous verrez là si c’est l’auteur de pareils écrits que l’on doit vexer dans ses possessions. Sont-ce ses procédés que vous voulez juger ? Informez-vous et l’on vous dira s’il n’est pas universellement reconnu, s’il n’est pas authentiquement imprimé, que ce sont les rassemblements du peuple faits par moi et sous mes fenêtres à la Bastille qui m’en ont fait subitement enlever comme un homme dangereux et dont les motions incendiaires allaient faire renverser ce monument d’horreur. Faites-vous donner les lettres du gouver-