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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


……Vous avez vu par ma dernière l’extrême chagrin que me donne le voyage de M. le chevalier de Sade en Provence, petite atrocité dont je le crois fort incapable, mais qui lui a été conseillée par les Montreuil et dont, malheureusement, lui seul pourtant se repentira parce qu’il avait, et assez d’âge, et assez de bon sens pour refuser une telle infamie. Je ne doute pas qu’il ne soit maintenant en possession de l’héritage de madame de Villeneuve. Je l’en félicite en l’assurant bien que celui-là lui tiendra lieu du mien, et que tout le tort que je pourrai lui faire lui sera bien certainement fait dans mes dispositions testamentaires ; il peut en être bien sûr…… Ne lui laissez pas ignorer mon mécontentement sur cet objet et surtout point de prêt d’argent, parce que je n’en allouerai certainement aucun. Mais parlons d’autre chose, car depuis bien longtemps je n’ai rien eu qui me donne plus d’humeur que l’odieux et exécrable procédé de ce petit monsieur-là. Il fera beau quand il aura maintenant une lettre de moi !……

Je ne conçois pas comment madame de Sade ne donna pas des ordres pour faire absolument démeubler le château lorsqu’elle prévit que de longues années allaient s’écouler sans qu’on y fût. J’avais cette précaution autrefois pour un an ou deux, pourquoi donc ne pas l’avoir quand il s’agit de douze ou quinze ? Mais la bonne dame disait ses patenôtres et cela valait bien mieux que d’avoir soin de mes affaires……

D’un autre côté, madame de Sade exige ses quatre mille francs ; le diable m’emporte si je sais comment faire ! Quand mon pauvre père disait : « Je fais épouser à mon fils cette fille de maltôtiers pour qu’il s’enrichisse », le pauvre homme ne savait pas que ces maltôtiers, ces banqueroutiers me ruineraient……


Le marquis s’est trompé sur les intentions du chevalier, mais il n’y voit que trop clair sur celles de sa tante de Villeneuve. Il demande renseignements et conseils en vue du voyage qu’il voudrait faire en Provence avec la dame Quesnet. (Sans date).

……Je n’ai jamais douté du cœur du chevalier de Sade, mais beaucoup des gens qui le font agir ; faible, jeune et gardé par les Montreuil, il était possible qu’il fît beaucoup de petites infamies. Vous me rassurez ; tout est dit ; mais je n’ai pas caché mes craintes ici ; les Montreuil les ont sues ; madame de Sade a cherché à me rassurer. Vos détails, je l’avoue, y ont mieux réussi que ses lettres.

Je suis fâché que le pauvre petit diable n’ait eu que trois cents francs. La chère tante n’est pas généreuse ! La visite valait mieux que cela, son voyage ne sera pas payé……

Je vois que, puisque la chère tante dispose de ses fonds, il faut renoncer à lui emprunter l’argent nécessaire à acheter ma maison. Je vois encore à cela que, puisqu’elle dispose de ses fonds pour acheter, elle pourra également disposer des immeubles acquis et m’en frustrer par son testament.