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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


même d’être compromis à l’occasion d’aumônes trop ostensiblement distribuées par le club monarchiste dont M. de Clermont-Tonnerre est le chef.

Mais ce qui émeut surtout le marquis, c’est la contribution du quart dont il est menacé. Déjà les commissaires se sont présentés chez ses fermiers de Mazan et de Saumane. Il ne peut concevoir cette façon d’agir car la contribution est extraordinaire et il n’y a plus aucune raison de la payer dès lors que la paix est faite ! Il ne faut pas donner un sou, mais le meilleur parti est de caresser l’ours afin qu’il ne vous mange pas. Du reste tout le monde paie déjà au delà de ses forces. À Paris même, les marchands étrillent les Français mieux que les gens de Coblenz et de Cologne ne font les émigrés. La révolution a du bon, à condition qu’on en prenne et qu’on en laisse.

Une de ses plus détestables inventions est celle du papier-monnaie pour ceux qui reçoivent leurs quartiers en billets. M. de Sade entend ne rien perdre au change des assignats et des effets bancaires. Il a le dessein d’acheter la maison où il habite et où il a d’ailleurs engagé des dépenses dont il ne veut pas perdre le bénéfice. L’opération est excellente puisqu’elle lui permettra de disposer d’un gage immédiat s’il se voit contraint à l’emprunt, d’économiser son loyer et de ne faire qu’un feu avec la dame Quesnet dont il écrit pour la première fois le nom et l’éloge. Il se propose, au demeurant, d’acheter pour ses enfants en même temps que pour lui-même et il est si certain qu’ils aimeront mieux avoir une jolie maison toute meublée à Paris qu’un champ de plus en Provence qu’à peine est-il besoin de leur en parler. Car il faut vendre auparavant pour vingt-quatre mille livres de bien à Arles. L’acquéreur est tout trouvé, mais il entend choisir sa parcelle, ne pas se contenter de pointes, avoir droit aux eaux et acquitter son prix en assignats, tandis que le marquis ne veut payer qu’une indemnité médiocre à son fermier pour la privation de jouissance et prétend recevoir des écus. Lions aîné, qui ne sait pas encore à qui il a affaire, déclare l’accord impossible et se fait traiter de coq d’Inde, de jacobite et d’imbécile.

Un nouvel envoi comprenant trois caisses de livres, de meubles et de friandises arrive de Provence. Il est plus désastreux que le précédent. Un pot de confitures s’est renversé sur la tapisserie bleue, les chinois ont coulé et englué les feuillets des livres. Le marquis a le cœur percé.

Le troisième envoi vient à point pour consoler M. de Sade du