Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1789
241


le bien public se fasse ! » écrit la marquise. M. de Sade, que les bruits du dehors ne troublent pas encore, demande qu’on lui envoie des truffes de son pays tout arrangées dans l’huile. On dit que M. de Mirabeau a été embastillé.

Les seuls travaux de maçonnerie que le grand prieur a fait faire à Mazan s’élèvent à trois mille trois cent quarante-sept livres, dix-sept sols, deux deniers, monnaie de France. Les serruriers viennent prendre la place des maçons et tout serait prêt pour le retour du grand prieur sans les grands froids et sans les troubles causés dans la province par la cherté des denrées et la rareté du blé. Mazan manque de plus de quatre cents charges pour son approvisionnement ; les oliviers ont été atteints ou tués par la gelée. Salon, Toulon et plusieurs villes de Provence sont soulevées ou désolées par les pillards. On ne retire rien, que « du désagréable », des redevanciers du marquis et les faire paver serait, selon Ripert, une inhumanité « en ce mauvais temps de famine ». Les pères minimes de la Vignherme, à Saumane, ne sont pas les derniers à se refuser au paiement de leurs cens. Toutes les pensions restent en l’air. Les dépenses engagées par le grand prieur sont d’autant plus inopportunes que les périodes où l’argent ne veut pas rentrer sont celles où il fuit le plus vite. Les réparations d’Arles et les réclamations auxquelles ont donné lieu le mauvais état des chemins et le défaut de repurgement des roubines absorberont, et bien au-delà, la récolte, qui menace de se faire à semence perdue. Madame de la Coste à qui l’on avait enfin arraché une promesse de payer mille écus sur les dettes de feu l’abbé déclare n’avoir rien pour vivre, sinon ce que lui donne son neveu, et ne pouvoir abandonner que les arrérages impayés de sa pension. Cependant madame de Sade ne trouve pas suffisantes les raisons que Ripert lui donne de ne pas réclamer son dû, et elle espère que le grand prieur parlera ferme à son retour !

Il ne retournera plus ! Il a été atteint d’apoplexie à Toulouse, au moment même où le grand prieur de Saint-Gilles, qui l’avait précédé de peu dans leur dignité, passait de vie à trépas. À cette nouvelle la tante de Villeneuve montre ce qu’elle sait faire ! Elle ne prend conseil de personne, se rend avec deux charrettes au château de Saint-Cloud et les fait charger des meubles les plus précieux, que l’on transporte de nuit à Mazan.

Cependant une moitié du vieillard est encore quasi vivante et cet état peut durer. Madame de Villeneuve voudrait se rendre auprès de