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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

En cette année dix-sept cent quatre-vingt-huit, M. de Sade paie pour la dernière fois à la révérende chambre apostolique de Carpentras la redevance annuelle de deux écus d’or, valant chacun six livres deux sols six deniers grosse monnaie, et d’une livre de cire qu’il doit pour les fief et juridiction de Saumane.

Ce seigneur justicier est mis au même instant dans une autre chambre de la Bastille où il ne trouve que les quatre murs et un mauvais lit. Il entreprend de la meubler, mais il lui manque, pour terminer son arrangement, une somme de vingt louis qu’il demande à sa femme. La marquise, qui est malade, envoie cette requête au grand prieur, lequel la transmet à Gaufridy, en approuvant fort qu’on défère au désir de sa nièce.

L’état de madame de Sade n’est point bon. Ses jambes, qu’elle a trop forcées, lui refusent le service : elle ne peut ni marcher ni rouler. Elle suit un régime coûteux et incommode. Ses dépenses excèdent le revenu qu’on lui fait et ses fils, comme son mari, ont de perpétuelles exigences. La mort déjà prévue du dauphin va entraîner un deuil de six mois et elle n’a point de noir à se mettre, non plus que sa fille. Gaufridy lui envoie de la Coste ce qu’il peut en trouver. La marquise n’est point esclave de la mode.

Le chevalier fait une escale à Toulon et vient surprendre le grand prieur pendant un de ses séjours dans le Comtat. Il le trouve très occupé de l’avancement de ses travaux car la communauté de Carpentras, qui veut capter des eaux dans le domaine de Saint-Cloud, lui a demandé de renoncer au bail à vie que M. des Isnards lui a passé de cette terre. Le vieillard a promis de donner sa réponse à son prochain retour de Toulouse, lorsque le logement qu’il fait faire à Mazan sera fin prêt !

La Soton, une ancienne connaissance de la Coste, a été dépossédée des écoles et des bureaux du sel et du tabac par la malignité du curé. Elle se trouve, par surcroît, en butte aux vexations des huguenots. Madame de Sade, qui la protège, veut qu’on lui cherche une place dans le Comtat et demande à Gaufridy de lui donner quelques louis. Mais l’avocat la tient en médiocre estime et ne met pas d’empressement à s’acquitter de la commission. Nous verrons la fille de Soton à Paris, où elle se rend à cheval pour plaider les vieilles querelles de sa mère à la barre de la Convention nationale, et Gaufridy manquera d’y perdre la tête.

M. de Sade ne se lasse pas de manger des chinois et en redemande.