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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


……La circonstance de la mort du grand prieur de Toulouse est heureuse ; je ne crois pas vous avoir écrit depuis. Elle nous tire bien d’embarras sur des objets délicats et risquables.

J’aime mieux que mes enfants se fassent désirer de leurs parents que de les leur jeter à la tête. C’est bien exprès que je n’ai point écrit à madame de Raousset[1] et je suis enchantée qu’il en ait été bien reçu et accueilli…… Mon fils a été enchanté de sa réception à la Coste. Il a vu cela en enfant, mais moi j’aurais beaucoup mieux aimé qu’il n’y eût pas tant de tapage. Je ne puis qu’être sensible au motif ; heureusement que ce n’est pas l’aîné ; et puis la nouvelle du grand prieur était en même temps, cela pourra passer pour un compliment au grand prieur et alors cela devient tout simple……


Le chevalier de Sade raconte sa traversée et va commencer ses caravanes. « Malte, ce 11 mai 1787 ».

Je suis arrivé à Malte, mon cher monsieur Gaufridy, après bien des peines et des vents contraires. Après avoir attendu huit jours à Marseille le bâtiment sur lequel je devais partir, j’ai été obligé d’en prendre un autre. Il n’y a que deux jours que nous sommes arrivés ; nous avons relâché huit jours à Syracuse et, comme maman m’avait demandé du vin de Syracuse, j’en ai acheté un petit baril qui est dans la caisse que je vous envoie. Il faut l’ouvrir ; vous y trouverez une dame-jeanne d’eau de fleurs d’oranger que vous enverrez à madame de Raousset de ma part…… Je viens d’écrire à mon oncle, à ma tante et à tout le monde. J’espère être quitte de mes caravanes[2] dans dix-huit mois et nommé dans un an. Quand vous verrez Ripert, vous lui direz bien des choses.

Adieu, au revoir ; tôt ou tard il faudra bien que cela vienne.

Chevalier de Sade.

La marquise voit tous les quinze jours M. de Sade qui a beaucoup grossi.

……Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez du pays, je les dirai à M. de Sade que je vois exactement tous les quinze jours. Il se porte assez bien, mais il grossit beaucoup. Bonsoir, monsieur l’avocat. Portez-vous bien ; mille amitiés à madame Gaufridy. Ce 25 mai 1787.

  1. Une des filles de madame de Villeneuve, cousine germaine du marquis.
  2. Croisières que faisaient les jeunes chevaliers de l’ordre de Malte, élus en chapitre après réception de leurs preuves, afin d’enlever les caravanes d’infidèles qui revenaient par mer d’Égypte. Ils n’obtenaient voix au chapitre qu’après les avoir accomplies. « Faire ses caravanes » se disait pour « faire ses débuts ».