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MARQUIS DE SADE — 1785
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par condescendance pour sa femme, qui n’a eu que trop à s’en repentir[1]. Vous savez ce que vous savez, monsieur, et d’après cela il n’y a rien à dire, qu’à faire pour le mieux.

Je n’ai jamais bien discerné dans le vrai ni le caractère ni la façon de penser de mademoiselle de Rousset. Je crois qu’elle était réellement attachée à ma fille, du moins celle-ci m’en paraissait persuadée. Une grande sensibilité, un grand zèle en faveur de M. de S… m’avaient d’abord surprise. Mieux informée sans doute, ou scandalisée du style dur dont il usait envers sa femme, elle lui avait dit des vérités qui avaient déplu. Une conversation avant mon départ me la fit voir entièrement changée ; et son séjour dans un lieu où, sans doute, elle avait pris des connaissances et des preuves peut-être plus particulières, l’avaient encore aigrie et confirmée dans ses opinions. J’en ai les preuves par écrit ; mais je n’ai point cherché, en suivant cette correspondance, à pénétrer jusqu’à quel point elle s’était éclairée, et j’ai mieux aimé ignorer que commettre une imprudence grave……

Il ne me paraît pas, monsieur, que la confiance en vous soit diminuée. Je n’ai donc pas jugé devoir parler de rien de ce que vous me marquez à cet égard. N’existant plus, elle ne peut vous nuire et je deviendrais suspecte en entrant par vous dans ce détail, qui supposerait confiance habituelle de vous à moi.

Je crois aisément qu’elle et les siens mésusaient. C’est la suite ordinaire de ces sortes de confiances……


La marquise ne veut pas favoriser le penchant de ses fils à la dépense. La Jeunesse a fait une cruelle maladie. (2 mai 1785).

……Mon fils aîné a eu la rougeole ; il est bien rétabli et je lui ai signifié qu’il n’aurait pas plus que sa pension ni son frère non plus. Ils sont bons sujets, mais, s’ils croyaient qu’on leur envoyât facilement, ils aimeraient la dépense, surtout l’aîné.

La Jeunesse vient de faire une maladie bien longue et bien cruelle. On a été obligé de lui couper le palais. Il y a plus d’un mois qu’il est malade ; enfin, il est hors d’affaire ; il n’y a plus que la patience parce que la convalescence sera longue……


La marquise ne sait où prendre l’argent pour fournir aux besoins de ses fils et payer leurs dettes. La Jeunesse est mort.

……J’ai vu le porteur de ma lettre avec grand plaisir…… Quand je causais avec lui, je me faisais illusion et croyais être en Provence et que M. de Sade y était (car je l’ai fort assuré que je n’irai pas sans lui). M. de Sade se porte bien, mais les choses toujours au même état et l’on donne toujours les mêmes raisons.

  1. Après l’affaire Keller, en 1768.