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MARQUIS DE SADE — 1785
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les lui rendît, mais ses pouvoirs n’ont jamais porté que sur le château d’où elle a pu être chargée de faire disparaître ce qui était de nature à compromettre. D’ailleurs, pourquoi prêter tant d’attention à des choses qui ne sont plus ? La présidente serait curieuse toutefois de savoir ce que M. de Sade a dit, lorsqu’il se trouvait à la Coste, du désordre qu’il a dû constater dans son cabinet et quelle explication Gaufridy lui en a donné. Le départ de Reinaud, qui est venu à Paris pour une sollicitation d’ailleurs si juste que l’intervention de madame de Montreuil n’a fait que hâter son succès, lui permet de poser par écrit cette question qu’elle n’osait confier à la poste aux lettres. Par la même occasion, elle fait demander au juge de la sénéchaussée de Forcalquier un certificat constatant l’absence du marquis pendant les mois qui ont précédé l’arrestation, car cette pièce lui est nécessaire pour toucher du syndic du Bugey les arrérages de l’ancienne charge de son gendre que la chambre des comptes a laissés en souffrance. La dame n’écrit jamais pour rien et ne dit que ce qui peut être de conséquence.

Le jeune comte et son frère le chevalier donnent bien de la satisfaction à leur mère et à leur grand-mère, mais ils ont un peu trop de penchant à la dépense. Madame de Sade a bien fait de se réduire au couvent car ils ont fait des dettes qu’il faut payer, et, comme ce n’est point madame de Montreuil qui s’en acquittera, la marquise se voit contrainte à tirer sur Gaufridy une lettre de change non annoncée. Les deux garçons ont promis de ne pas recommencer. Quant à sa fille Laure, c’est une grande paresseuse qui ne sait point écrire et qui n’a pas de dispositions naturelles.

La Jeunesse fait une maladie cruelle, suivie d’une rechute qui l’emporte. On avait dû lui couper le palais. Il est mort avec des sentiments chrétiens qu’il avait jusque-là tenus en réserve. Madame fera vendre ses hardes pour en envoyer le prix à sa femme et à ses enfants qui meurent de faim. La vente produit trente-six livres.

Le marquis se porte bien et ne se conduit point mal. Mais il ne change pas ses raisons. Le personnel qui le garde est en partie remplacé et la marquise espère qu’il se montrera plus traitable. Ce souhait n’est point exaucé. Le captif ne peut tenir sa plume de courir. Cela lui fait un tort incroyable. On empêche sa femme de le voir et d’avoir de ses nouvelles.

Les lettres de la marquise sont désormais pleines de détails sur les enfants. L’aîné est à Lorient : il est bon sujet et son colonel n’a