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— XII —

Louis-Donatien Aldonze est né à Paris, dans l’hôtel de Condé, le deux Juin 1740. Il était fils de Jean-Baptiste François, comte de Sade, et de Marie-Éléonore de Maillé de Carman. Sa famille était ancienne et sa généalogie illustre. De nombreuses pièces d’archives, qui se trouvent jointes à notre correspondance, attestent en latin, en italien ou en vieux langage de pratique l’importance de sa maison, mais aussi la lourdeur des charges dont elle était grevée.

Les Sade comptaient plusieurs branches, notamment celle d’Eyguières. Un parent du marquis, Jean-Baptiste-Joseph David, comte de Sade-Eyguières, lui fut, par la suite, substitué dans sa charge de lieutenant général pour le roi des provinces de Bresse et Bugey et fit partie du conseil de famille qui provoqua, en 1787, la nomination d’un curateur à ses biens, car M. de Sade était détenu par lettre de cachet et se trouvait, à défaut d’une sentence régulière, en position légale d’absence. Un autre de ses cousins, l’abbé-comte de Sade, prévôt de Saint-Victor de Marseille, fut assez intimement mêlé aux intrigues qui devaient aboutir à la cassation de l’arrêt d’Aix. Il n’est guère question du reste de sa lointaine parentèle qu’à l’occasion du chartier de Saumane, dont madame de Sade défend jalousement l’accès, et des demandes qui lui sont faites d’en extraire les titres pour des généalogies ou pour des preuves.

Le comte était, par droit d’aînesse, le chef de la famille. C’était un homme exact et un peu sombre, un grand seigneur distant jusqu’à l’extrême froideur, compassé dans ses manières et dans son langage, pompeux avec les siens comme avec ses domestiques, fort jaloux de ses droits, rigide jusqu’à l’étroitesse, mais dépensier jusqu’à la prodigalité. Il s’est ruiné avec componction et décence sans paraître avoir eu une fantaisie. Il écrivait en termes fort propres et la principale qualité de son style est de bien le peindre lui-même. Il existe de lui une lettre sur la maladie que le roi Louis XV fit en Lorraine. C’est le modèle de l’esprit de cour compris comme un esprit de corps. Ce seigneur y exprime sa peine et y rend des actions de grâce avec la fervente candeur d’un anecdotier de l’Armée du Salut.

Le comte avait deux frères et quatre sœurs qui lui survécurent. Les deux frères étaient Jean-Louis Balthazar de Sade, commandeur de l’ordre de Malte, puis bailli et enfin grand prieur de Toulouse, et Paul Aldonze de Sade, abbé d’Ebreuil, qui se retira à Saumane, où il écrivit sur Pétrarque et Laure un ouvrage qui se lit encore avec agrément.