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MARQUIS DE SADE — 1782
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le complimente encore que pour le dépouiller un peu plus. La position qu’occupe l’amie de la marquise au château de la Coste, l’affection passionnée et un peu dérisoire qu’elle affiche pour l’avocat sont autant de prétextes employés pour convaincre celui-ci de résigner entre ses mains ce qui lui reste de pouvoirs. Rousset souffle le chaud et le froid. Les deux femmes emploient, dans leur commerce, une écriture chiffrée, d’ailleurs enfantine, qui consiste à reporter à la fin de chaque mot sa lettre initiale. Tout est occasion de mystère et de combinaisons subtiles. La mort du vieux juge Rayolle a fait surgir un troisième compétiteur : l’avocat Ripert, créature de M. de Murs, dont on gagnera, en le nommant, les bonnes grâces, et qui est, au dire de Rousset, un parfait honnête homme. Mais elle ne vante sa probité que pour faire donner la succession du juge défunt à Gaufridy et celle de Gaufridy à Ripert, la parfaite vertu étant incontestablement mieux à sa place dans un emploi où l’on rend des comptes que dans un poste où l’on ne rend que la justice. Bien que l’avocat ne soit plus guère qu’un intendant à ses ordres, la demoiselle sent sa haine et veut consolider sa propre position en se débarrassant de lui, ou simplement en jouir mieux en le diminuant encore. Elle est autorisée à prendre une servante dont elle règlera le sort et les gages, sans toutefois la mettre sur le pied où était Gothon, en faveur de qui on faisait beaucoup « pour raisons que vous savez bien ». Elle reçoit en outre, avec le droit de tout contrôler, les clefs qui ont toujours été refusées à Gaufridy et, notamment, celle de la cassette dont le marquis se montrera encore si préoccupé douze ans plus tard. Mais l’avocat a passé par là, sur l’ordre de madame de Montreuil, et la marquise apprend sans étonnement que le secret du cabinet de monsieur a été violé. Rousset ajoute aux petites vilenies qu’elle prête au régisseur celle qu’elle lui fait ou lui fait faire par madame de Sade. Elle obtient en particulier qu’on substitue son propre nom à celui de Gaufridy sur les volumes du Mercure et l’avocat s’en montre si touché qu’elle essaie de se tirer de cette affaire et de celle des clefs par un long circuit de mensonges, puis par des impertinences.

Cependant la marquise fait paraître un peu d’inquiétude de l’humeur décisionnaire de son amie, parce qu’elle menace de devenir coûteuse. Elle lui en veut aussi de témoigner trop de confiance au curé « car les gens de son état qui ont de certaines finesses ne peuvent être sûrs ».

Cette opinion sur le pasteur répond du reste à celle que madame a