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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


attendre de Provence. Les baux, momentanément prorogés, viennent à expiration ; à la Coste, le parc est à l’abandon et les terres sont infestées de serpents ; un orage a causé de grands dégâts à Mazan ; il faut payer la moitié des frais d’un procès que les coseigneurs de cette localité ont soutenu en cour de Rome pour l’amortissement des cens : le parlement d’Aix en avait connu pendant la réunion, son arrêt a été confirmé à Rome et l’affaire renvoyée pour exécution à l’officialité de Carpentras. Les fâcheux s’ajoutent aux créanciers et, parmi eux, un allié, M. de Simiane qui réclame des papiers de famille. « Il veut, dit la marquise, nous payer ses obligations en nous volant. » Cependant les ouvertures obligeantes que lui fait un sieur Jaume, provençal d’origine établi banquier à Paris, font espérer à madame de Sade qu’elle pourra se tirer de ce mauvais pas ; mais Jaume a le défaut des gens de son pays : il fait de grandes offres de services à condition que l’on n’en use pas. Mademoiselle de Rousset n’est pas la dernière à dire rage des Provençaux. À l’en croire, les citoyens de la Coste (le mot, mis à la mode par Jean-Jacques, citoyen de Genève, poursuit sa fortune) ne sont ni sociables ni solides : tout est caprice et circonstances en leur pays.

Le temps passe sans réaliser les grands espoirs de la marquise, qui ne peut refuser à sa mère d’aller passer quelques jours avec elle à la campagne. Mademoiselle de Rousset met son absence à profit pour se dégonfler et pour médire. La dépiteuse fille a voulu savoir et, par un coup qui exposait le quidam qui l’a renseignée aux galères, elle a su quels étaient les motifs de la détention du marquis. Sa liberté se fera attendre longtemps encore, et la présidente n’est pas si coupable. Les raisons sont très graves : M. et madame de Maurepas ont pu s’en convaincre et jugent madame de Sade folle ou complice. Les dires des exempts qui sont allés à la Coste accablent le marquis : tout est connu, même les particularités qu’on croyait ensevelies dans le mystère. Il existe un in-folio où la vie du captif est écrite. À parler net : l’homme est à pendre. Ces confidences, mêlées d’effusions qui sèchent avec l’encre de l’épistolière, ne sont pas plus à l’avantage de Rousset que celles qu’elle y joint sur la marquise et sa pétaudière de maison. C’est d’ailleurs en vain qu’elle a tenté de tirer madame de ses illusions ; elle a essuyé mille orages et le désordre est à tel point que Gaufridy fera bien de prendre ses garanties pour la somme qu’il a cautionnée. Les six mille livres réservées à la libération de M. de Sade, ou ce qu’il en reste, ont pu heureusement être sauvées, en dépit d’un billet impru-