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MARQUIS DE SADE — 1780
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Madame de Montreuil adore, au demeurant, ses petits-fils : « Toute sa tendresse a passé là ». L’aîné termine ses études et l’on essaie vainement d’intéresser le commandeur au cadet qui va entrer dans l’ordre de Malte. Tous deux ont, successivement, la petite vérole. Une jeune sœur de la marquise a été au plus mal d’une fièvre putride.

Mademoiselle de Rousset a de nouveau craché le sang. Elle ne partira pas avec le marquis et madame. Ses amoureux, dit-elle, la retiennent à Paris et sauront l’y garder, même si Gaufridy obtient une lettre de cachet pour la faire revenir. En ce cas il sera peloté d’importance ! À travers ce badinage un peu lugubre, la demoiselle affirme que les entreprises n’échoueront pas et que le régisseur sera bientôt remboursé.

Cependant l’affaire si bien engagée n’avance pas. « Un diable d’avocat nous tient », écrit la marquise, qui n’ose plus demander de nouveaux fonds. Il faut cependant multiplier les démarches, que madame de Montreuil feint d’ignorer. On examine à Versailles les motifs de la détention et le ministre, qui se montre honnête en paroles et semble bien disposé, a demandé communication des pièces et un rapport à ses subordonnés. Des placets ont été remis et des recommandations faites à tous les ministres. Deux des princesses ont parlé de l’affaire à M. de Maurepas. Mais le marquis écrit des horreurs qui vont prendre place dans son dossier. Si l’enquête est sévèrement menée, il ne sortira pas. Et s’il obtient sa liberté, écrit mademoiselle de Rousset, « nous ne nous importunerons guère. »

Madame de Sade était si sûre de son prochain départ qu’elle a donné congé, pour la Saint-Jean, de l’appartement de sa belle mère où elle avait cependant fait bien des dépenses. Il faut se résoudre à prendre, dans la même maison, un autre logement sans bail. Il s’ensuit un pénible charroi de meubles, mais on se reposera là-bas en mangeant des melons et l’on devisera à quatre, dans le cabinet de monsieur, « sur les individus de Paris ». Mademoiselle de Rousset se blesse au bras avec un clou à crochet. La Jeunesse se soûle pour ne point travailler, fait du train avec les filles et se fait prendre par la garde. La marquise affecte de ne rien voir pour ne pas avoir à sévir. On serait curieux de savoir ce qu’en pensent les dames carmélites !

La chaleur est extrême et le nouveau logement est malsain. Madame fait un second déménagement et va se loger rue de la Marche, au Marais. Mais elle a fait des dettes dans le quartier et n’a plus un patard à