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MARQUIS DE SADE — 1779
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réussite. M. de Sade ne sortira pas de frison par la faute d’un dénonciateur de son pays. (Date déchirée).

Nos petites affaires ne vont pas mal, monsieur, mais M. le commandeur est à jeter par les fenêtres. Le prieur-curé était assurément embarrassé de sa chaste corporence ; je lui ai serré un peu fort le bouton. Je lui prescris, dans les termes les plus honnêtes et les plus polis, ce qu’il peut et doit faire. Je lui saurai gré en mon particulier de ce qu’il fera, si toutefois il le fait bien. Je conçois que ce ne sera pas sans quelque violence ; il en sera quitte pour changer de chemise.

Rien n’a été changé au papier adressé. J’ai pris la liberté de rendre une ou deux phrases un peu plus coulantes et de moins longue haleine, pour avoir seulement le plaisir de vous contrarier et prouver à madame de Sade que mon sublime génie est infiniment supérieur au vôtre……

……Je voudrais bien savoir pourquoi le public veut absolument m’amalgamer avec M. de Sade. Puisque cela est ainsi, M. et madame la marquise partiront et moi je resterai. Ce parti est même plus sage ; vous m’avez tourné la tête plus des trois quarts et demi !

Trêve de calomnies, monsieur ! Je n’ai point voulu vous désoler. À quoi bon recourir à votre confesseur ? Je vous ai envoyé la représentation des beautés cachées de madame Gaufridy ; seriez-vous assez chaste pour n’y avoir jamais regardé ? À d’autres !… Votre sexe est trop curieux……

Cette pauvre Gothon est malade toutes les années. Je désapprouve fort les saignées, à moins que le chirurgien ait l’adresse de les lui faire là… où il faut ! Outrand, qui était un homme infaillible, assurait que c’était des vapeurs hystériques. J’avais résolu de ne plus lui écrire. En considération de son indisposition, je lui écrirai quelques polissonneries pour la faire rire. Je sais qu’elle les aime……

Oui, une année révolue ! Je n’oublierai de ma vie l’alerte du vingt-six août 1778. Il n’y a pas encore un an que je suis ici. J’arrivai le six novembre, saluée par une pluie qui ressemblait au déluge…… Un provençal qu’on ne nous a pas nommé, mais que nous saurons (je le soupçonne d’Aix), a porté un coup cruel à M. de Sade. « Qu’allez-vous faire, a-t-il dit au ministre, donner la liberté à un homme qui a fait ci, qui a fait ça, etc ?… Cet arrêt dont vous me parlez est un arrêt de faveur ; j’ai connu la nature des affaires mieux que personne, etc… » L’ordre du rappel ne fut point donné, au grand étonnement de celui qui l’attendait ; il apprit les raisons de ce changement. On ne lui cacha point que c’était un provençal qui venait de faire l’officieux délateur……


Mademoiselle de Rousset conte comment la maison de madame de Sade a été surveillée par des espions de police. M. de Sade écrit des folies et se forte bien. (8 octobre 1779).

……Nous avons eu des espions de police pendant cinq à six jours, qui