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MARQUIS DE SADE — 1778
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mois, vingt-quatre heures avant sa détention[1] ? Qu’il m’a accusée de l’avoir trahi ! Moi trahir ! Moi qui l’ignorais, lorsqu’il y avait six jours que le ministre le savait, et qu’on m’épiait moi-même à son sujet ! Au surplus, qu’en est-il résulté ? Que j’en ai profité pour sauver sa tête et son honneur. Mais que résulterait-il de sa confiance vraie ou simulée, de mes conseils bien ou mal suivis ? Je l’ignore et ne veux pas y exposer lui ni moi.

Pour les affaires, madame, si mes lumières peuvent vous être utiles, quand vous me consulterez je vous dirai mon avis et vous donnerai les éclaircissements dont vous aurez besoin. N’oubliez pas, surtout, ce que je vous ai dit : Votre honneur appartient à votre famille ; comme mère, je dois veiller à vous préserver de retomber dans les dangers qui nous ont été connus. Et si vous voulez que la liberté ne soit point inquiétée de sa part, ne vous exposez pas à la lui faire craindre pour vous-même. Vous devez m’entendre, et les preuves de mon dire sont faciles à produire, autant que dangereuses pour M. de S., si l’on y était forcé.


Le marquis ne croit ni aux larmes de dépit versées par Marais ni aux prétendues diligences qu’il aurait faites pour le reprendre. (Sans date).

Je crois, mon cher avocat, que vous avez mal vu et je persiste plus que jamais à être convaincu que tout ceci n’est qu’une comédie, beaucoup de train et peu de besogne comme à l’ordinaire ; c’est l’esprit de la présidente. Est-il possible que les pleurs vous en aient imposé ? Quant à moi, c’est ce qui, plus que tout, me prouve que c’est une farce. Marais et le major pleurer ! Le pouvez-vous concevoir ? Ah ! croyez-moi, les larmes n’ont jamais été connues de ces âmes-là, et les expressions de leur rage sont des blasphèmes et non des larmes ! N’oser aller à Aix, dites-vous ? et qu’y auraient-ils craint ? Ce n’est pas à Aix où se seraient faits les reproches, c’est à Paris ; c’est de Paris qu’étaient datés et signés leurs ordres et c’est là qu’ils doivent appréhender les reproches, c’est là où ils doivent craindre d’arriver les mains vides, et non à Aix, où l’on n’aurait fait que rire. Et les recherches, vous ne les trouvez pas plaisantes ? Passer la première nuit à chercher dans l’auberge ! Était-il supposable que ce fût là où je me fusse caché ; craindre d’arriver chez moi est-il supposable, et craint-on quelque chose quand on est muni d’un ordre du roi ? En un mot, quelque fortifié que l’on me suppose, Goupille y a abordé, et croyez-vous que Marais, qui regarde Goupille comme un polisson, n’osât faire ce que le polisson entreprend ? Et le cas n’était-il pas de faire diligence et d’arriver à la Coste avant moi, en un mot de faire agir et marcher la maréchaussée et non de lui faire entourer l’auberge comme ils ont fait la seconde nuit ? C’est une farce à mourir de rire ! Mais ce que je ne vous pardonne pas, c’est de vous être

  1. Voir la lettre de la marquise du dix février 1777.