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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


……Je souhaite qu’on soutienne les bonnes résolutions qu’on démontre, mais l’expérience seule peut rassurer. On ne peut pas trop blâmer quelqu’un de reprendre, quand il le peut, sa liberté. Tout dépend de la manière d’en user. Sa famille jugera peut-être devoir prendre un parti pour arrêter la continuité de la déprédation et empêcher la ruine totale en conservant les fonds, et assurant le paiement des créanciers qui restent en Provence sur les revenus et une subsistance honnête du surplus au mari et à la femme. On doit arrêter les moyens d’emprunt pour empêcher l’aliénation des fonds et des revenus par avance, comme il l’a toujours fait. Si l’on a véritablement en vue de se bien conduire, on ne doit pas résister à de sages précautions sur une défiance que le passé n’autorise que trop. Il a mangé plus de cent soixante mille livres de fonds depuis son mariage. C’est un fait aisé à prouver……

À l’égard de madame de Sade, je vous dirai franchement que sa famille, à qui son honneur appartient, à commencer par ses père et mère, ne souffrira jamais qu’elle s’expose à être encore avilie et compromise comme elle l’a été, en rejoignant son mari, à moins qu’une longue expérience de bonne conduite ne prouve qu’il y a sûreté. Si sa tendresse ou son aveuglement l’y entraîne, le gouvernement nous prêtera tout secours pour une cause aussi honnête et aussi juste. Qu’elle lui rende service, soit. Mais qu’elle reste à Paris. Sa dépense n’est pas forte et la famille de son mari en l’administration pourra la fixer. J’ignore ce qu’elle sait ou ne sait pas quant à présent, parce que je ne l’ai pas vue depuis le jour où je lui ai annoncé la bonne nouvelle du dernier jugement. Dans son malheur, la pitié, les entrailles de mère m’ont toujours portée vers elle pour adoucir son sort sans m’arrêter à tout ce qui devait m’en écarter. L’honneur rendu, je dois me souvenir de tous les sujets de plainte qu’on n’a réparés ni avant ni depuis les obligations infinies que l’on m’a, et je me borne à n’être que pour la préserver de nouveaux dangers……


Madame de Montreuil fait aviser M. de Sade qu’il a perdu sa charge de gouverneur de Bresse et Bugey. (Sans date).

M. Gaufridy dira à M. de Sade que depuis cinq ans on était à tout instant en danger de voir passer la charge en mains d’étrangers, qu’elle était vivement sollicitée par des gens puissants et par d’autres très protégés par M. le prince de Condé, que les ministres successifs de ce département, à la sollicitation de la famille, l’avaient toujours conservée comme en suspens, que les cinq années révolues on a pressé de nouveau le ministre, et on a annoncé que, si l’on ne voulait pas en finir, on la demanderait directement au roi, et on l’eût obtenue infailliblement en remboursant seulement le brevet de retenue, et sans espoir de la voir jamais rentrer. Madame de Montreuil, avertie, et par voie sûre, au mois d’avril dernier, fit l’impossible pour qu’elle fût conservée encore en suspens, allégant l’espérance fondée où on était de voir M. de Sade anéantir l’arrêt par des formes légales et