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MARQUIS DE SADE — 1778
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Je n’entreprends pas de vous exprimer les sentiments de reconnaissance et de respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être

Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Le commandeur de Sade.

À Saint-Cloud, 25 juin 1778.

Gothon envoie à son maître des fleurs, des fruits et des confitures, avec la plus belle lettre du monde. (27 juin 1778).

Monsieur,

Dès le moment que j’ai appris votre proximité par M. l’avocat, j’en ai ressenti une joie inexprimable. Elle me fait espérer que j’aurai l’avantage et le plaisir de vous revoir bientôt. Je vous prie de croire, monsieur, que je suis attachée à vos intérêts autant qu’on peut l’être. Fasse le ciel que [vous soyez] débarrassé des soucis qui vous occupent sans doute et que vous viviez tranquille tous les jours de votre vie. Personne, je m’en flatte, ne le désire plus que moi car il me semble qu’il s’est déjà écoulé un siècle depuis votre départ. Votre absence, votre éloignement et l’incertitude où me laissent vos affaires me jettent dans le plus grand abattement. Je vous assure, monsieur, que je suis bien triste et que je pleure très souvent en pensant à votre situation. Daignez donc, monsieur, m’honorer de vos nouvelles. Si je suivais mon inclination, j’abandonnerais à ce moment votre maison pour voler où vous êtes afin d’avoir le plaisir de vous voir. Je n’attends sur cela que votre permission pour m’exécuter. Si il y a quelque chose, monsieur, dans le pays qui puisse vous faire plaisir, vous n’avez qu’à ordonner. De jour et de nuit vous pouvez disposer de moi à tout ce dont je puis être capable.

M. l’avocat s’est chargé avec plaisir de vous remettre quelques fleurs du cru de votre terrasse, quelques abricots et deux pots de confiture de votre cru. Quoique vous soyez dans un pays où il y en a de plus beaux et de meilleurs peut-être, j’ai cru que vous trouveriez les vôtres et plus beaux et plus exquis quoique ils ne soient pas encore parvenus à leur maturité parfaite. J’en fis passer la semaine dernière à madame par Charvin quatre douzaines. Vous en auriez bien eu sans doute la moitié si j’avais pu prévoir d’avoir le plaisir de vous savoir si près d’ici. Veuillez bien, monsieur, m’honorer toujours de votre protection et de votre bienveillance et être convaincue que je serai toujours avec le plus respectueux attachement.

Monsieur,
Votre très humble et très obéissante servante
Gothon.