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MARQUIS DE SADE — 1778
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femmes peuvent parler, combiner, médire. L’une trotte, l’autre fait feu de la plume et merveille du plat de la langue. Avec plus d’esprit naturel que mademoiselle de Rousset, la marquise a bien moins d’assurance et toutes deux ont leur grain de folie.

La demoiselle s’attaque sans plus tarder à madame de Montreuil, mais elle n’est point de force. La présidente est toute concentrée et sur ses gardes. Elle a un autre acquit que cette provinciale lettrée, enchantée au fond de retrouver « son » Paris, d’en constater les changements, d’y avoir un bon gîte et une pâture pour son imagination.

Les dettes augmentent ; les fermiers sont à découvert. La cabale de l’abbé Vidal est déconfite. Gaufridy est plus solide que jamais à son poste.




Le commandeur annonce à l’avocat la mort de l’abbé, son frère. (Saumane, le 3 janvier 1778).

J’arrive, monsieur, à Saumane et j’ai le malheur de trouver M. l’abbé expiré. J’avais précédemment instruit madame de Sade et monsieur le baron de Montreuil de la situation de monsieur mon frère. J’ai trouvé les choses ici en très bonnes mains, des amis qui ont eu soin de lui et de ses effets, et des domestiques qui l’ont servi fidèlement. Nous songeons à le faire ensevelir et je n’irai pas plus avant que vous ne soyez arrivé. Je n’ai plus qu’à vous assurer de mon amitié que vous connaissez depuis longtemps.


La marquise envoie le plan qu’elle a conçu four faire évader M. de Sade et en confie l’exécution à Gaufridy et à Reinaud. (16 février 1778).

……Aussitôt que l’affaire sera finie au parlement, au moment ou avant que l’exempt s’en empare pour le ramener à Vincennes, Reinaud, conjointement avec vous, ou gens de votre part si vous croyez que de paraître l’un et l’autre fît soupçonner et éventer le projet, vous pourriez le faire sauver par quelque porte du palais et empêcher qu’il ne soit à portée de l’exempt qui s’en emparerait ; ou bien gagner les cavaliers d’Aix, pour qu’ils mouillent les fusils et pistolets de leurs confrères qui le garderaient et qu’ils ne puissent tirer ni sur M. de Sade ni sur ceux qui le feront sauver, qui l’iront attendre sur la route. Bien entendu que, quelque parti que l’on prenne, M. de Sade ne risque rien ! Que ceux du complot, sans affectation, paraissent contre lui pour que l’on ne les soupçonne pas.