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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Madame de Sade recueille, d’après l’abbé, divers bénéfices dont elle voudrait pourvoir son fils puîné. Le jeune homme a son bref de minorité, mais ses preuves n’ont pas encore été faites et la marquise veut savoir s’il peut posséder ces bénéfices avant d’être définitivement admis dans l’ordre de Malte, s’il les conservera étant reçu chevalier, si l’on doit au contraire les faire desservir et combien il en coûterait, quels seraient les frais de réception et ceux de la permission qu’il faudrait obtenir de Rome « encore que l’on en accordât ». Sur la réponse, sans doute peu encourageante, qui lui est faite, elle remet les bénéfices au prévôt de Saint-Victor.

La marquise tombe malade ; elle ne se rétablira pas si son chagrin dure. Elle maigrit et devient d’une faiblesse extrême au régime des bains froids et de la double saignée. Par compensation le marquis se porte à merveille et Gaufridy réconforte madame en lui écrivant seulement deux mots touchant son projet d’évasion : impossibilité ou réussite. À Saumane, l’Espagnole se radoucit. Elle a appris que son acte de vente est nul faute de témoins et se contenterait du remboursement du prix. Rien n’indique qu’elle l’ait jamais reçu.

Madame de Montreuil engage Gaufridy à se mettre en quête des filles de Marseille qui ont témoigné au premier procès et à faire avec prudence toutes les démarches utiles. L’une d’elles, la fille Coste, qui est souffrante, sera soignée aux frais de la famille, toutes hébergées et nourries pendant leur séjour à Aix. La marquise est d’ailleurs laissée dans l’ignorance de ce qui se prépare. Le ministre est très décidé à l’empêcher de se rendre à Aix et se déclare prêt à la faire enfermer dans un couvent si elle passe outre. La présidente l’amuse de diverses façons. Une des plus efficaces est de lui faire espérer qu’elle va payer les dettes. Beaucoup de celles-ci sont criardes et le juif Isaac fait protester son papier. Madame de Montreuil promet le paiement à tous, mais se refuse à recevoir les intérêts en compte et menace les créanciers d’obtenir des lettres de rescision contre les tard-venus parce que madame de Sade n’a point reçu le pouvoir d’emprunter. Gaufridy devra se tenir à l’affût des poursuites sans paraître les craindre et en aviser la dame de Montreuil « pour qu’on fasse usage des précautions qui mettent à l’abri des sentences ».

Tandis que la marquise est toute à ses soucis d’argent ou aux insolences de ses vassaux, « car c’est rendre service à ces gens-là que de les empêcher de manquer à leur seigneur », madame de Montreuil