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MARQUIS DE SADE — 1777
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Madame de Montreuil insultée par M. et madame de Sade ne veut plus s’occuper de leurs affaires. (21 janvier 1777).

Vous trouverez bon, monsieur, que je me dispense de répondre davantage à l’article des affaires et des créanciers, aux besoins urgents de M. et madame de Sade dont vous me parlez dans vos dernières lettres, notamment celle du sept courant. Vous vous conduirez comme vous le jugerez à propos. Pour moi, trop excédée de tout ce que j’essuie d’injustice et d’infamies de leur part, je renonce absolument à me mêler de ce qui les regarde. Si l’on m’attaque comme on m’en menace, j’ai de quoi répondre, et ne crains rien sur quoi que ce soit dans le monde. Tant pis pour qui obligera à tous les éclaircissements et preuves qui en résulteront.

J’ai reçu vendredi dernier dix grandes pages de menaces et d’invectives de madame de Sade, dont on ne peut avoir d’idée qu’en les lisant. Si je voulais m’en venger ou l’en punir, je les porterais aux ministres qui mieux que moi peuvent apprécier leur conduite et la mienne et la justice de ses plaintes et de ses reproches. Qu’elle en soit l’auteur ou seulement le scribe, elle n’en est pas plus excusable à mes yeux……


M. de Sade dicte à l’avocat la réponse qu’il doit faire à la présidente. (Sans date).

Si j’étais M. Gaufridy je répondrais à madame de Montreuil :

Madame,

La première page de la lettre que vous venez de me faire l’honneur de m’écrire m’a d’autant plus surpris qu’elle contient des choses absolument inintelligibles pour moi, et qui me paraissent des mystères de famille dans lesquels n’ayant jamais été initié je ne crois pas à propos de devoir entrer. J’ignore encore mieux, madame, ce que madame votre fille a pu vous écrire, mais je crois que, quelque chose que ce puisse être, elle l’a dû faire de son plein gré, et toutes les fois que je vais au château de la Coste je remarque une amitié et une intelligence trop parfaites pour me donner à penser qu’on soit jamais dans le cas de la contraindre sur rien. Au reste, madame, si parfois madame votre fille a de l’humeur, vous êtes trop raisonnable pour ne pas le trouver bien légitime. Sa situation l’excuse de reste. Trop éloignée pour en juger, madame, il n’est pas étonnant que quelquefois vous vous abusiez sur l’horreur dont elle est ; mais daignez réfléchir que madame votre fille est trop bien née, a trop de sentiment, pour pouvoir considérer de sang-froid l’étonnante longueur qu’on met à finir ses affaires, un mari déshonoré, quatre ans de fuite, le bruit de ce déshonneur qui s’étend, se multiplie et se sait maintenant à tous les coins de la terre, (la lettre de Tierce à Naples vous l’a prouvé, M. Gaufridy), des enfants qui croissent et s’élèvent dans la honte de cette infortune et qui ne connaissent leur père,

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