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MARQUIS DE SADE — 1777
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renvoyée à Aix, mais elle voudrait éviter que le marquis y fût conduit, tandis que madame de Sade n’espère qu’en cette occasion de le faire évader. L’abbé de Sade, qui s’est raccommodé avec la présidente, estime que le transfert pourra être évité. Il croit que sa nièce est dévorée de chagrin et de remords, mais c’est bien mal connaître les femmes, encore que l’abbé n’ait rien négligé de ce côté pour achever son éducation : la marquise ne songe pour l’instant qu’à cacher à sa mère l’importance de ses dettes, de peur qu’elle n’envoie tout promener.

Bientôt madame de Montreuil conçoit des doutes sur l’issue de sa procédure en révision sans représentation du contumace. Elle craint la déposition des anciens témoins sur le second chef d’accusation, « à supposer qu’il ne fût question de rien de postérieur ». Elle revient donc à l’idée de se pourvoir en cassation devant le conseil du roi, sauf à refaire toute la procédure pour parvenir à une sentence de réhabilitation. Les magistrats d’Aix font effectivement essuyer un échec au projet de révision qui leur a été soumis. L’abbé de Sade atteste qu’il l’avait bien dit, mais ne laisse pas cette fois de louer la ténacité de la présidente et pense qu’elle obtiendra la cassation d’une manière ou d’une autre. « Voilà l’essentiel, surtout pour les parents ». On prendra donc la voie de la cassation au conseil, et la présidente s’y jette avec une nouvelle ardeur. Elle charge Gaufridy de s’informer de ce que sont devenues les filles qui ont été les principales actrices de l’affaire de Marseille. Ce n’est du reste pas le grand conseil, mais le conseil des dépêches, malgré son incompétence, qui connaîtra de la cassation et du renvoi. Le premier y serait hostile car les Montreuil sont de la magistrature anti-Maupeou. Il convient même que l’abbé reste coi, parce qu’il a fait sa cour au parlement usurpateur. En dépit de ce zèle, madame de Sade juge que sa mère ménage son temps. « Quand on a, dit-elle, cent mille livres de rente, il faut se conserver ! C’est une cruauté à faire casser la tête contre le mur ». La fille veut la liberté de son mari ; la mère ne veut que la réhabilitation de son gendre. La présidente proteste bien qu’il ne dépend pas d’elle de faire ce que madame de Sade désire, mais laisse entendre qu’elle ne lui donnerait pas satisfaction, même si elle en avait le pouvoir. Elle se reproche la liberté qu’elle a fait obtenir au marquis dix ans auparavant car on a vu, par la suite, les résultats de sa faiblesse.

L’avarice de madame de Montreuil contribue à l’aigreur de ses relations avec la marquise. Elle n’a rien payé, pas même les dettes criardes. Le passif atteint soixante-quinze mille livres et s’est accru de