Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
CORRESPONDANCE INÉDITE DU


L’on a dit que cela ne suffisait pas et que, s’il n’en avait pas d’autre ou n’en faisait pas venir bien vite, il serait arrêté et, en attendant, bien veillé pour qu’il n’échappe pas, et il y a apparence que l’on aura fait partir des lettres pour s’en informer ; ce qui augmente les soupçons, c’est qu’il a refusé de se faire présenter à la cour.

Il faut tâcher de parer à cela le mieux que l’on pourra. Il est certain que celui qui écrira sera ce M. de Saint-Didier, consul de France et officier d’artillerie, dont il vous a parlé dans sa dernière lettre et qui est de Sisteron. Il faudrait tâcher d’être à l’affût de ce qu’il pourra écrire à ce sujet afin de tâcher d’en diriger les réponses autant que l’on le pourra. Relisez la lettre qu’il vous a écrite à ce sujet, la note que vous avez prise de moi quand j’ai été à Apt, avec ce que je vous écris à présent et, d’après cela, vous agirez pour le mieux, car vous voyez combien il est essentiel que M. Béranger et M. de Saint-Didier avec M. Tierce reçoivent des lettres qui leur tiennent quasi lieu de lettres du ministre. Au moment où il m’écrit, ce M. Tierce[1], qui est de ses amis, sortait de sa chambre et lui a dit positivement de faire venir des lettres très promptement, que rien n’était plus essentiel……


M. de Sade narre, avantageusement, à sa femme ses démêlés avec M. Béranger, chargé d’affaires à Naples, mais hésite à se faire présenter à la Cour[2].

Venons au dénouement de mon histoire. Je vous ai laissée à la lettre que le grand-maître me remit pour faire voir à Béranger et le convaincre de mon existence et que je lui étais particulièrement recommandé. Je la portai à Béranger le dimanche matin. Le susdit seigneur me reçut assez mal. Il me dit qu’il ne connaissait pas cette lettre, ni cette personne, ni cette écriture ; il donnait positivement dans le panneau que je lui tendais et il répondait précisément ce que je voulais qu’il réponde. Fort bien, monsieur, lui ai-je dit, je vais rapporter sur le champ à M. le grand-maître que vous recevez ainsi ce qu’il vous envoie et que vous traitez ainsi une lettre qui vient de son propre neveu de Florence……

Tu juges de l’embarras de mon homme ; il n’y était plus, il tapait des pieds, et moi, toujours de sang-froid, je le persiflais, lui disant qu’il remplissait à merveille les devoirs de sa charge et qu’on ne saurait être trop circonspect dans un poste comme le sien, et, pendant ce temps, je gagnais

  1. Tierce, peintre de paysages.
  2. C’est la marquise qui recopie. « Le commencement de l’histoire, écrit-elle à Gaufridy, est dans la lettre perdue. » Cette lettre perdue contenait un portrait de M. de Sade qui soupçonne M. Béranger d’avoir soustrait le pli et d’avoir envoyé le portrait à Lyon « pour savoir si c’était-là Teissier ou non ». « Si le bon Dieu pouvait le faire sortir de Naples et que je le trouve dans un coin, écrit le marquis à Reinaud, il m’en coûterait cinq à six cannes, mais je vous jure qu’il s’en mordrait les pouces. »