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MARQUIS DE SADE — 1775
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M. de Sade redoute les suite de l’affaire de Nanon si la présidente ne la prend en mains. (Sans date).

De tous les partis proposés hier, le meilleur a été d’amadouer jusqu’à ce que vous savez[1] (que je n’explique pas et que vous entendez). On a fait une trêve jusqu’au trente de ce mois, au-delà duquel terme on ne veut pas rester une minute. C’est déjà beaucoup que d’avoir gagné cela. Nous capitulerons après pour le reste. Il est difficile qu’après ce que madame a écrit hier (par un exprès à Orange) cela tarde plus que le quinze de juillet. Nous vous demandons instamment d’écrire samedi pour presser et, pour ne pas nous contrarier, vu que nous avons forcé le tableau pour qu’on se pressât davantage, mettre mot à mot la phrase suivante : « Rien ne presse davantage, madame. J’ai entendu moi-même les horreurs et les impostures que profère cette créature, et, en un mot, la circonstance est telle, par tout ce que madame de Sade vous a mandé dernièrement, qu’il arriverait les plus fâcheux inconvénients si l’ordre n’est pas à Aix ou à Apt du douze au quinze juillet. Peut-être a-t-on été trop vite en besogne, mais le cas l’exigeait et votre envoi nous tire d’affaire. Pressez-le, je vous en conjure ». De grâce mettez cette phrase mot à mot ou, sans cela, nous mettant en contradiction, vous retarderiez l’effet et nous mettriez dans le plus grand embarras. Nous avons écrit que de notre plein droit et autorité, sur un simple simulacre de procédure, nous avions fait mettre le sujet en prison au château ; que nous trouvant dans l’embarras, faute de preuve, il était difficile de faire son procès et qu’il faudrait conséquemment l’élargir dans peu, et qu’alors, si la chose n’était pas arrivée, cela nous mettrait dans un double embarras. La présidente aura le feu sous le ventre en entendant cela et, comme elle le désire vivement et qu’elle y a déjà travaillé, soyez sûr qu’elle ira un train du diable. Il faut donc que vous preniez l’esprit de cette histoire et que vous la souteniez dans votre lettre, d’autant plus que j’ai dit que l’expédient était venu de vous. C’est vous mettre à merveille dans son esprit et elle vous en remerciera car tout ce qu’elle voulait était qu’on pût trouver un moyen de s’assurer de cette créature en attendant qu’elle obtint…… Mais l’objet principal de cette lettre-ci, mon cher avocat, est pour vous prier de me débarrasser décidément de Saint-Louis, et cela sans plus, je vous en conjure, me demander de grâce ni de pardon pour lui. Il a eu une conduite affreuse dans toute cette affaire, n’a cessé d’épauler et de soutenir cette fille, et cela jusqu’à l’impertinence et les mauvais propos, a passé par dessus les murs, s’est soûlé, a juré, pesté, envoyé au diable maître et valets. Il n’est en un mot plus possible d’y tenir……

Je vous prie de lui bien spécifier que je lui défends de rester dans la Coste parce que je ne l’y souffrirai sûrement pas. Je suis en droit d’expulser de ma terre tous gens indomiciliés et sans aveu. Hors de chez moi il tombe dans cette classe et je l’en ferai sûrement déguerpir ; par exemple, sans se

  1. L’arrivée de la lettre de cachet.