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LA MÈRE DE DIEU.

Lorsque Mardona les vit, son visage s’assombrit Elle fixa les yeux sur la croix avec une sorte de terreur, puis elle soupira profondément.

« Où devons-nous dresser la croix, sainte femme ? demanda le vieillard, qui entra le premier dans la cour et se jeta à genoux devant la Mère de Dieu.

— Il n’y a pas besoin de la dresser, repartit celle-ci. Posez-la par terre, derrière la maison, et laissez-moi ici les clous et le marteau. Vous pouvez remporter les autres outils. »

Le vieillard lui montra les clous.

« Ceux-là sont-ils assez grands ? »

Mardona affirma de la tête. Ils déchargèrent la croix, l’appuyèrent au mur, derrière la maison, et s’éloignèrent. Sur la chaussée ils rencontrèrent les Duchobarzen qui arrivaient par masses. La Mère de Dieu les aperçut, elle aussi. Elle devint extraordinairement pâle et rentra dans la maison de son père, à pas lents.

La métairie, la cour, la chaussée se remplissent bientôt de monde. Les paysans étaient graves ; ils avaient revêtu leurs habits de fête. Un murmure confus traversait la foule. Les regards de tous se fixaient sur la maison et les fenêtres de la Mère de Dieu ; on lisait l’inquiétude sur chaque visage.

Tout à coup une nouvelle procession, poussant des clameurs sauvages, arriva, du côté de Brebaki. À sa tête on voyait Wewa, à cheval. Elle avait mis son manteau rouge et ses colliers de ducats et de coraux. Elle portait sur le front une couronne de paillettes d’or, et aux pieds des bottes de maroquin bleu. Suka-