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LA MÈRE DE DIEU.

fille encore une fois. Nimfodora s’éloigna tranquillement, les yeux baissés, courbant douloureusement la tête.

« Tu resteras cette nuit à genoux, en prières, lui dit-elle d’un ton glacial. Prépare-toi à être jugé par moi demain. Je me montrerai sévère à ton égard. »

Elle le contempla avec son mauvais sourire.

Sabadil releva lentement la tête. Il n’avait jamais vu Mardona si belle. Ses cheveux dorés flottaient dénoués sur son cou et sa poitrine. Ses lèvres roses s’entr’ouvraient, comme sous des baisers. Vainement Sabadil essaya de résister à la passion qui l’aveuglait, vainement il ferma les yeux et tenta de prier. Il ne put se contenir.

« Mardona, commença-t-il, en levant vers elle ses mains chargées de nœuds, Mardona, tu me tortures jusqu’à la mort. Comment puis-je m’humilier et prier, lorsque je te vois si belle, si séduisante ? Je ne puis pas prier, non, je ne le peux pas !

— N’est-ce pas, tu désires Nimfodora ?

— Ne me parle pas d’elle.

— Pourquoi non, puisque tu l’aimes ?

— Mardona, je t’adore ! Je n’aime que toi, gémit Sabadil.

— Pure imagination, repartit la Mère de Dieu.

— Aie pitié, Mardona. Je t’adore. Mets une fin à mes souffrances, supplia-t-il hors de lui.

— Tu n’as aucun besoin de ma pitié, as-tu dit. Tu me l’as affirmé tout dernièrement à Solisko, chez toi. Ne te le rappelles-tu pas ?

— J’étais aveugle. J’étais fou.