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LA MÈRE DE DIEU.

Le dimanche suivant, il y eut bien une vingtaine de Duchobarzen qui se réunirent dans la maison de Wewa, où le premier office divin fut célébré avec une grande solennité. On remarquait dans le nombre Sukalou et Sofia Kenulla. Wewa ne parut pas durant la cérémonie. Ce ne fut que vers la fin, lorsque l’assemblée entonna un pieux cantique, que Wewa entra dans la salle, à longues et lentes enjambées. Elle portait sur la tête une sorte de couronne en paillettes d’or qui la faisait ressembler à une fiancée valaque. Sur les épaules, elle avait un manteau de satin rouge, doublé et garni de lapin blanc. Ses pieds étaient serrés dans des bottes bleues en maroquin, à talons d’argent ; enfin elle disparaissait littéralement sous une pluie de ducats, de perles fausses, de grains de corail et de monnaies d’argent. Elle faisait de grands efforts pour avoir l’air digne et majestueux et, à cet effet, redressait sa gorge, levait haut la tête et parlait d’une voix sourde et profonde, comme un homme.

À sa vue, les assistants se jetèrent à genoux. Elle les bénit en étendant sur eux ses belles mains rondelettes, luisantes de graisse, où brillaient plusieurs bagues enrichies de clinquant et de pierres fausses.

« Je te salue, étoile des croyants, consolation des affligés, s’écria Sukalou en jouant de la prunelle et en levant les mains au ciel ; aie pitié de nous !

— Prie pour nous, cria Sofia, le regard brûlant d’extase ; délivre-nous des faux prophètes qui prennent le nom de l’Éternel en vain et se promènent couverts des riches atours d’une souveraine, au lieu de s’humi-