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LA MÈRE DE DIEU.

Sabadil ne dit pas un mot. Elle non plus ne parla pas. Ses narines seules frémissaient imperceptiblement, et ses lèvres rondes étaient entr’ouvertes comme si elle était hors d’haleine.

« Que fais-tu là ? dit enfin Sabadil.

— Un filet.

— À quoi bon, un filet ?

— Pour prendre du poisson. Nous approchons de Noël.

— Et c’est pour cela que tu te donnes tant de peine ? reprit-il. Ta chevelure est un filet qui enlace et emprisonne qui tu veux ; tes yeux noirs sont des hameçons, et ta bouche rose est une amorce, jeune fille. »

Nimfodora regarda fixement les flammes du foyer, comme si elle eût voulu y chercher du secours. Ses mains retombèrent sur ses genoux, avec le filet qu’elle tenait, ses lèvres s’agitèrent : on eût dit qu’elle parlait un langage sans paroles. Une lueur vive et rouge éclaira son beau visage pâle et mélancolique.

« Nimfodora, parle, — me hais-tu ? recommença Sabadil.

— Non.

— Mais tu ne m’aimes pas ? »

Elle le regarda. Elle semblait lui demander : Es-tu sûr, dis, que je ne t’aime pas ? Puis elle retomba dans sa rêverie. Elle parut regarder en elle-même, sonder son âme, étonnée, avec une douloureuse curiosité ; elle parut se dire : Mais est-ce que je l’aime ? est-ce que je l’aime, vraiment ?

Et rien ne lui répondit.

Sabadil attendait avec elle. Il se plaça derrière elle