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LA MÈRE DE DIEU.

sidérait avec un joyeux sourire Sabadil qui s’était établi à ses pieds.

« Je t’aime trop, vois-tu, murmurait-elle, oh oui ! je t’aime trop. Tu perdras peu à peu le respect que tu me dois. Déjà je ne t’inspire plus aucune crainte.

— Tu te trompes, Mardona : souvent tu me fais peur.

— Est-ce vrai ? »

Elle se mit à rire aux éclats et parut s’amuser beaucoup de ces paroles.

Dans la grande salle se trouvait Ossipowitch, sa femme et ses enfants, réunis autour d’une terrine fumante. Wadasch, assis près de la table, accordait son violon.

Tout à coup la porte s’ouvrit brusquement, et Sukalou entra. D’ordinaire il mettait beaucoup de temps et faisait de grandes cérémonies pour se présenter. Cette fois il se précipita dans la chambre, sans saluer personne. Il secoua si fort ses vêtements couverts de neige, qu’un tourbillon blanc vola de tous côtés dans la salle.

« Un événement terrible, oh ! terrible ! commença-t-il. J’arrive de la ville avec une nouvelle,… Seigneur ! une nouvelle… »

Il s’assit comme hors d’haleine, et se mit à gémir.

« Vous êtes perdus, tous,… perdus… sans moi,… vous courez un danger,… je viens vous avertir… Mais je vois que j’ai perdu la parole. »

Il indiqua de la main qu’il désirait parler et que cela lui était impossible.

« Remets-toi, premièrement, lui dit Turib. Tu parleras après. Qu’y a-t-il ?