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LA MÈRE DE DIEU.

Terrible. Son visage était doux et calme. On n’y lisait aucune sévérité.

Sabadil se tenait dans la foule, un peu à l’écart. Il ne perdait pas des yeux Mardona. Il considérait avec extase cette femme à qui tous obéissaient et il sentait son cœur battre avec force.

Le givre avait décoré les vitres de la salle de ses grands dessins étoilés ; la neige craquait sous les pieds de ceux qui se tenaient dans la cour ou sur la route, mais un soleil éclatant rayonnait dans la campagne. Il donnait aux glaçons des reflets chatoyants de joyaux et argentait le moindre brin d’herbe. Un bourdonnement confus de voix humaines montait de la cour. Des becs-croisés, avec leur plumage rouge et vert, gémissaient en sifflant entre les aiguilles des pins. Sur un tilleul dépouillé une corneille s’était établie, appelant une de ses compagnes. Dans la salle où l’on rendait la justice, par contre, régnait un silence de mort. Lorsqu’une femme perdait une épingle à cheveux, on l’entendait tomber et résonner à terre.

Mardona leva sa main et donna le signal. Aussitôt le chantre entonna une hymne sacrée, que toute la communauté répéta en chœur. Quand le dernier accord se fut éteint, Mardona fit de nouveau un signe et tous les assistants se jetèrent à genoux devant elle :

« Je tiens ici la place de Dieu, dit Mardona d’une voix forte, pour punir les péchés ou les pardonner. Que celui d’entre vous qui se sent coupable le reconnaisse et implore la miséricorde divine. Que celui que son prochain a offensé le déclare et porte plainte contre lui. »