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LA MÈRE DE DIEU.

— De qui ?

— De toi. »

Sabadil eut un sourire amer.

« Toi aussi, tu es mécontent, et tu m’en veux, tout comme lui. Tu ne peux admettre que je ne ressemble pas aux autres jeunes filles, continua Mardona.

— Tu es une sainte, repartit Sabadil avec tristesse, et moi je suis un pauvre pécheur, voilà tout.

— Tâche donc de comprendre ce qui m’éloigne de toi, ce qui m’interdit de répondre à ton amour, dit Mardona. Je suis l’Élue de Dieu, du Dieu qui a créé le ciel et la terre, qui a rassemblé les eaux sous sa main, et à qui la lune et les astres obéissent.

— Ma croyance ne m’enseigne pas cela.

— Ta croyance te parle de paradis et du péché de nos premiers parents, répondit Mardona d’une voix douce. Elle te parle de la corruption des hommes et du déluge que Dieu envoya dans sa colère. Ta croyance t’apprend, aussi bien que la mienne, que l’humanité pèche constamment et a sans cesse besoin de rédemption. Eh bien, moi, je te répète et je t’affirme que cette rédemption, Dieu l’a incarnée sur la terre et qu’il m’a instituée pour la représenter.

— Parles-tu de la Trinité que nous adorons ?

— La Trinité ne se révèle qu’à l’âme des hommes, répondit-elle : le Père, dans la puissance de la mémoire ; le Fils, dans la sagesse de l’intelligence ; l’Esprit, dans la force de la volonté.

— Si vous accordez à l’homme une si haute place, comment se fait-il que vous le jugiez si faible et si misérable ?