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LA MÈRE DE DIEU.

« Sauve-nous, sainte femme ! cria-t-il ; toi seule peux nous sauver ! »

Le vieux prêtre, lui aussi, s’approcha de Mardona. Il la salua et saisit d’une main fiévreuse l’étrier où elle appuyait le pied.

« Rétablis la paix, pria-t-il d’un ton bas mais suppliant. Ils sont tous comme des fous, les malheureux ! Oh ! cela finira d’une manière horrible, horrible !

— Écoutez-moi », dit Mardona.

Elle se souleva sur sa selle et parcourut la foule d’un regard ferme.

« Cessez immédiatement de sonner le tocsin ! Retournez dans vos chaumières ! Le wujt et deux des doyens vont aller au-devant de l’escorte pour la saluer. Vous recevrez bien et logerez les soldats qu’on enverra chez vous en quartier. J’accorde moi-même l’hospitalité aux chefs et aux officiers. Je me charge de leur faire entendre raison. Je vous promets de réussir à souhait. Que Dieu vous garde ! »

Personne ne la contredit. Nul ne protesta. Lorsque Mardona tourna bride pour rentrer chez elle, le peuple tomba à genoux. Elle le bénit en souriant.

Tout ce qu’elle avait ordonné fut exécuté. Les cloches se turent. Les rues se vidèrent peu à peu. Un silence religieux régna dans le hameau.

Le commissaire du district arriva en voiture, accompagné de deux gendarmes ; trente hussards, conduits par un officier, suivaient. Les soldats furent distribués dans le village. Le wujt conduisit l’officier et le commissaire chez les Ossipowitch. Les hôtes furent