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LA MÈRE DE DIEU.

pour avertir les villages d’alentour. Bientôt, en effet, arrivèrent les paysans de Brebaki, de Klosno, de Serenzize, montés sur leurs chevaux. Ils s’unirent à ceux de Fargowiza-polna. La grande place de l’église se transforma en un camp. Les vieillards tenaient conseil ; il y en avait qui étaient d’avis de marcher à la rencontre de l’ennemi, d’autres voulaient assiéger le château ; d’autres encore refusaient de s’associer à la révolte. On se décida enfin, à l’unanimité, à demander l’avis de la Mère de Dieu.

Mardona parut au milieu du tumulte. Elle était à cheval. Sabadil l’accompagnait. Mardona était assise en selle à califourchon, comme un homme. Ses cheveux étaient noués dans un foulard blanc. Son visage était pâle et triste, très grave.

Elle demanda ce qui se passait ; on lui expliqua le différend et on la pria de donner son avis dans cette affaire. Lorsqu’elle s’arrêta devant l’église, tous se pressèrent autour d’elle, tous agitèrent leurs casquettes, leurs chapeaux. Quelques-uns baisèrent ses bottes jaunes, d’autres le bord de son vêtement. Un grand nombre s’agenouillèrent, levant leurs bras vers elle. Elle écouta leurs explications en silence, puis leur fit signe de se taire, d’un geste. Le tumulte s’apaisa. On n’entendit plus que des chuchotements ou le grincement de deux faux qui se heurtaient.

C’est à ce moment que le vieux wujt se précipita vers la Mère de Dieu et s’agenouilla par terre, devant son cheval. Ses cheveux blancs étaient soulevés par la bise. Le pauvre homme tremblait, et son visage était livide.