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LA MÈRE DE DIEU.

« Allons-nous-en », s’écria tout à coup Sukalou.

Il se jeta à genoux devant Mardona, lui embrassa les pieds et sortit très vite, son pot de miel à la main. Barabasch le suivit. Sabadil, seul, hésita. Enfin il se décida à sortir. Il monta à cheval et s’éloigna sur la route lentement. Tout à coup une angoisse inexprimable s’empara de lui. Il tourna bride, instinctivement, et retourna à la métairie à travers champs.

Durant quelques instants, il ne vit rien. Le vent d’automne faisait tourbillonner des feuilles sèches, jaunes et rouges, dans la cour, devant la maison de la Mère de Dieu. Enfin, Mardona parut. Elle se rendit dans sa demeure. Wadasch la suivait, tête basse et absolument pâle. Ils entrèrent tous deux dans sa maison.

Une jalousie terrible, une frayeur étrange s’emparèrent de Sabadil. Son cœur battait à se rompre. La tête lui faisait mal. Une grande chaleur lui montait au cerveau et menaçait de l’étouffer.

Il descendit de cheval près de la haie, s’arrêta tout près et tendit l’oreille. Un murmure triste et monotone arriva à ses oreilles. Il ne se trompait pas : ils priaient… Wadasch et la Mère de Dieu priaient ensemble dans l’enceinte sacrée et solitaire. Sabadil se frappa le front du poing à trois reprises.

« À quoi bon s’inquiéter ? se dit-il à demi-voix. À quoi bon ? Mardona est une sainte, et moi… moi, je suis un insensé ! »