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LA MÈRE DE DIEU.

Sabadil la contemplait avec adoration. Il voyait, il sentait qu’elle le traitait avec le plus grand dédain. Mais cela lui était égal. Le mépris que lui témoignait Mardona enflammait encore sa passion, et cette passion était nourrie par le respect qu’on témoignait à la Mère de Dieu, par l’obéissance aveugle qu’elle inspirait. Et il semblait à Sabadil que d’elle émanait une lumière qui retombait sur lui et l’embrasait. Il la trouvait belle aussi, plus belle que jamais.

Barabasch le suivait des yeux d’un air étrange. Il soupçonnait en lui un rival. Il ne se donnait aucune peine pour dissimuler la haine qu’il lui témoignait. Il regardait d’un tout autre œil le pauvre Wadasch. Celui-ci venait d’entrer, modeste, les mains derrière le dos. On voyait que, pour lui, Barabasch ressentait de la compassion, la sympathie d’une commune souffrance. Wadasch, comme d’habitude, resta près de la porte, d’un air triste ; entre lui et Mardona il y avait toute la chambre, un abîme donc, un vrai désert à franchir.

Il hésitait.

« Eh bien, Wadasch, où restes-tu encore ? dit Mardona d’un ton de commandement. Viens ici, à mes pieds. »

Le malheureux tenta deux pas en avant. Puis ses genoux vacillèrent, fléchirent ; il vit Sabadil, Sukalou, Barabasch, Anuschka, Jehorig, et même Anastasie et le vieux Nilko Ossipowitch tournoyer autour de lui. Il se sentit défaillir. Il tomba à genoux. Mardona s’avança gracieusement à sa rencontre, se pencha vers lui et lui donna le baiser de paix.