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LA MÈRE DE DIEU.

Il profita d’un moment où l’attention de tous était arrêtée sur Barabasch, qui avait tiré de sa poche deux superbes perdreaux et les avait posés sur la table. Mais cet instant suffit à Sukalou. Il souleva le couvercle de la corbeille et le referma très vite. Il courut ensuite vers la table, prit les perdreaux, les soupesa et les admira beaucoup. Il savait maintenant que Barabasch avait du miel dans sa corbeille, et il était satisfait !…

« Quel homme que ce Barabasch ! »

Il l’embrassa avec effusion.

« Voilà un ange incarné sur la terre, et qui n’est heureux que lorsqu’il peut faire de bonnes œuvres ! Oh ! mon doux Barabasch ! mon petit Barabasch d’argent ! Sur tout ce que tu entreprends repose la bénédiction divine. Quelles belles ruches à miel tu as dans ton jardin, Barabasch, et quelle masse ! Comment le pauvre Sukalou pourrait-il élever des abeilles, lui ? Il a besoin de tant de prières pour le salut de son âme ! Et lorsqu’il a mal à la gorge, et que la poitrine le fait souffrir, et qu’on lui conseille de manger du miel pour se soulager, où le prendrait-il, ce miel ? avec quoi l’achèterait-il, si tu ne te trouvais là, mon petit Barabasch doré ? C’est alors que tu donnes essor à ta générosité et que tu fais cadeau au pauvre Sukalou d’un petit pot de ton miel.

— J’en ai précisément là, dans ma corbeille, que je porte à la seigneurie. Mais, bah ! je vais t’en donner un peu.

— Tu fais une bonne action, Barabasch, dit Anastasie. Ce pauvre Sukalou est réellement malade : il tousse constamment. »