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LA MÈRE DE DIEU.

« Le paradis a aujourd’hui bien l’air d’un enfer, commença le juif d’un air goguenard.

— Comment ?

— Ignorez-vous que le paradis se trouve à Fargowiza-polna ?

— Je ne vous comprends pas.

— Le paradis,… le beau jardin.

— Je sais, interrompit Sabadil ; mais qu’a donc à faire Fargowiza-polna avec le paradis ?

— D’où donc êtes-vous ? demanda le juif tout surpris.

— De Solisko.

— Et vous n’avez pas entendu parler de Fargowiza-polna ni des Duchobarzen[1] ?

— Si fait ! mais je ne m’en suis guère inquiété.

— Pourtant cela vaut la peine qu’on en parle, murmura le juif en faisant claquer les rênes sur l’échine de ses maigres chevaux. Ces gens sont loin d’être aussi dangereux qu’on veut bien les faire. Ils sont, du reste, loin d’être aussi saints qu’ils en ont l’air.

— Comment ? ce ne sont pas des chrétiens ?

— Pourquoi ne seraient-ils pas chrétiens ? reprit le juif. C’est vrai qu’ils n’ont pas de prêtres et pas d’églises, ni baptême, ni communion, ni, en général, aucun sacrement, comme vous autres. Ils n’adorent pas les saints.

— Mais Jésus-Christ Notre-Seigneur ? »

Le juif ne fit pas de réponse.

« Ce sont, du reste, reprit-il après une pause, des

  1. Secte des Petits-Russiens de la Galicie et de la Bukowine, très répandue, et qui a du rapport avec les Adamites.