Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
LA MÈRE DE DIEU.

— Oui, Mardona, je t’aime ! »

Le cœur du jeune paysan battait à se rompre. Il regardait l’étrangère d’un œil suppliant, comme pour lui demander pardon.

« Je ne sais que faire de toi, dit-elle en plissant les lèvres dédaigneusement.

— Tu es fâchée contre moi ?

— Non.

— Mais toi, tu ne m’aimes pas ? »

Il fit un mouvement, qu’elle interpréta à faux. Elle étendit la main vers lui, d’un geste menaçant.

« Ne m’approche pas, homme, si le salut de ton âme t’est cher. Tu as déjà assez péché.

— Mais… je voulais…, bégaya-t-il.

— Rien ne presse, dit-elle en souriant. Nous verrons.

— Tu me permets de venir te voir ? »

Il faisait grand jour. Le soleil luisait sur les champs de maïs. Le brouillard matinal se traînait lentement à terre, s’évaporant peu à peu.

« Je te le permets », dit Mardona.

Elle regarda Sabadil. Ses yeux bleus rayonnaient, disant bien des choses.

« Je te remercie, s’écria Sabadil fou de joie.

— Ne te réjouis pas, dit-elle d’un ton glacial ; tu ne viendras pas : je sais que tu auras peur de moi.

— Peur !… pourquoi donc ?

— Lorsque tu sauras qui je suis.

— Je ne te comprends pas.

— Prends patience ! tu ne tarderas pas à apprendre bien des choses que tu ne soupçonnes pas. Adieu ! »